Une salle comble mais un procès finalement tenu à huis clos : deux anciennes employées d’une crèche People&Baby sont jugées à Lille pour violences sur enfants, au moment où le livre “Les Ogres” de Victor Castanet focalise l’attention sur les dysfonctionnements de certaines crèches privées.
L’audience à huis clos a été demandée par un avocat des parties civiles, après que le tribunal a décidé de poursuivre l’audience malgré l’attention médiatique. “Il est temps de juger cette affaire” déjà reportée à deux reprises, a souligné le président du tribunal.
Les prévenus sont soupçonnés de violences volontaires, physiques et psychologiques, sans incapacité, sur neuf enfants au total dans la crèche située à Villeneuve-d’Ascq, dans la banlieue de Lille. Les parties civiles décrivent des privations de repas, des humiliations, un isolement, et certaines suspectent des sévices physiques.
“Ce sont des enfants qui ne rentrent pas simplement de la garderie avec un bleu qui disparaît en quelques jours”, a affirmé Alexandre Schmitzberger, mettant en avant les attentes des familles, cinq ans après les faits. “On a des enfants qui développent des troubles psychomoteurs, des troubles du comportement, qui se retrouvent avec des retards de développement (…) parfois de deux ans.”
Devant les bancs largement occupés par les journalistes, la défense avait commencé par demander un troisième report du procès, insistant sur le “rouleau compresseur médiatique” et l’état psychologique des accusés, certificats médicaux à l’appui.
L’ancienne directrice de crèche, 48 ans, poursuivie pour violences sur trois enfants, est apparue le visage contrit, une veste noire sur les épaules. A ses côtés, l’ancienne infirmière, 35 ans, les cheveux noués en tresse rouge, a laissé couler quelques larmes. Elle est accusée de violences sur huit enfants.
– “Modèle low cost” –
Les deux femmes sont soupçonnées d’avoir adopté des « attitudes et gestes inappropriés pour s’occuper d’un jeune enfant », a rappelé lundi le tribunal. Elles contestent ces faits.
L’avocate de l’ancienne infirmière, Me Fatima En-Nih, a largement critiqué le livre d’enquête du journaliste Victor Castanet, qui consacre plusieurs chapitres à la crèche de Villeneuve d’Ascq.
«Depuis plusieurs jours, toute notre énergie est concentrée à éviter la presse», a-t-elle insisté.
Le journaliste a tenu à assister à l’audience. “Ce procès est évidemment emblématique car il raconte les dysfonctionnements de ce groupe, et plus largement d’un certain nombre de groupes de ce secteur”, a-t-il déclaré devant les nombreuses caméras présentes, assurant qu’il soutiendrait les familles.
Son livre dénonce le modèle « low cost » de plusieurs groupes de crèches privées, notamment People&Baby, dont fait partie la crèche de Villeneuve-d’Ascq.
Les parties civiles ont toutefois rappelé que ce procès n’était pas celui du groupe.
“Il ne s’agit pas de vengeance, de lapidation ou d’exploitation médiatique”, a souligné Me Patrick Lambert. Il représente une famille avec deux enfants qui dénonce “des maltraitances psychologiques, un isolement, une mauvaise alimentation” mais aussi des soupçons de violences physiques, l’une des enfants ayant “été retrouvée avec une bosse sur le front”.
“Aujourd’hui, mon enfant a huit ans et a des problèmes psychologiques”, a également expliqué à l’AFP un parent qui s’est constitué partie civile et accuse l’aide-soignante d’avoir enfermé son enfant dans le noir. Selon lui, les séquelles sont multiples : agressivité, difficultés à l’école, peur du noir, anxiété.
Sous pression, le secteur des crèches fait face depuis plusieurs années à une pénurie critique de professionnels et à des dysfonctionnements attribués à un mode de financement complexe aux effets jugés « pervers ».
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