Deux tableaux de Renoir et Sisley pillés pendant l’Occupation seront restitués par la France aux ayants droit du propriétaire

Il s’agit des « Cariatides » de Renoir, peint en 1909, et du tableau « Les Péniches », peint en 1870 par le peintre britannique né en France, Alfred Sisley.

France Télévisions – Culture Edito

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« Les péniches » d'Alfred Sisley (1839-1899) représentent un port de la région parisienne peint en 1870. (MUSÉE D'ORSAY)

La ministre de la Culture Rachida Dati doit restituer, jeudi 16 mai 2024, un tableau d’Auguste Renoir et un autre d’Alfred Sisley aux ayants droit d’un galeriste juif, Grégoire Schusterman (1889-1976), pillés pendant l’Occupation.

Voici les Cariatides de Renoir, représentant deux femmes nues dans un style art déco, peint en 1909 et qui est une variation d’autres panneaux décoratifs dont deux appartiennent à la collection Barnes aux Etats-Unis. Le galeriste l’acquiert aux enchères en 1939. Le deuxième tableau, intitulé Bargesa été peint en 1870 par le peintre britannique d’origine française Alfred Sisley et représente un port normand dans lequel sont amarrées des barges.

La Commission d’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) a estimé que Grégoire Schusterman « a dû vendre les deux tableaux à cause des persécutions antisémites, pour fuir Paris et survivre pendant la guerre et qu’il s’agissait donc de ventes forcées ». Elle a donc recommandé leur restitution à ses ayants droit, a indiqué le ministère de la Culture à l’AFP.

Après la Seconde Guerre mondiale, le Cariatides ont été récupérés par les Alliés au château de Thalhausen en Bavière. Barges de Sisley ont été retrouvés en Rhénanie. Les tables étaient alors « transportées au (point de collecte des œuvres) de Munich pour les Renoir et à celui de Baden-Baden pour les Sisley, puis rapatriées en France. Elles furent sélectionnées en 1950 parmi les 15 000 dernières œuvres revenues d’Allemagne et non restituées et devinrent des œuvres’ Musées nationaux de récupération (MNR) », selon le ministère.

Depuis les années 1950, les œuvres du MNR sont confiées à des musées en France. Ils sont répertoriés et peuvent être restitués aux descendants des propriétaires volés, souvent après de longues procédures, facilitées depuis 2019 par une mission créée spécifiquement au sein du ministère de la Culture afin d’accélérer les difficiles recherches sur leur provenance.

En 1950, Barges et le Cariatides furent confiées à la garde du musée du Louvre puis, en 1986, du musée d’Orsay. L’œuvre de Sisley fut déposée au musée de Dieppe en 1954 et celle de Renoir fut conservée successivement au musée Masséna puis au musée des beaux-arts Jules-Chéret de Nice et, à partir de 1995, au musée Renoir de Cagnes-sur-mer.

Durant la Seconde Guerre mondiale, les nazis pillèrent méthodiquement les œuvres d’art appartenant à des Juifs, qui furent revendues, collectionnées par de hauts dignitaires ou destinées au gigantesque projet de musée du « Führermuseum » d’Hitler. En France occupée, les œuvres pillées transitaient par le musée du Jeu de Paume à Paris avant d’être acheminées vers l’Allemagne. Ils ont également fait l’objet d’un trafic important, évoqué au cinéma par le récent film Le tableau volé par Pascal Bonitzer.

Grâce à des notes clandestines prises par une conservatrice, Rose Valland, quelque 60 000 œuvres et objets ont été récupérés en Allemagne et restitués en France, sur une estimation de quelque 100 000 pillés. Un numéro qui « paraît sous-évalué, de nombreuses familles n’ayant pas signalé la disparition de leurs biens à la Libération », souligne le ministère. Les deux tiers d’entre elles, soit environ 45 000, ont été restituées à leurs propriétaires avant 1950. La plupart des pièces restantes ont été vendues, à l’exception de quelque 2 200 pièces non réclamées, placées temporairement sous la garde des musées nationaux.

Au total, depuis 1950, 188 œuvres et objets MNR et similaires ont été restitués. Contrairement aux œuvres du MNR, les autres œuvres spoliées entrées dans les collections publiques ne pouvaient être restituées qu’au cas par cas avec l’adoption d’une loi spécifique, en vertu du principe d’inaliénabilité des œuvres d’art des musées. Une loi-cadre du 22 juillet 2023 a ouvert une dérogation à ce principe pour les biens pillés dans le cadre des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. Le propriétaire public (Etat ou collectivité locale) peut désormais décider de la restitution des biens pillés. . après avis d’une commission administrative ad hoc.