« Dharavi, le bidonville de Bombay, est un objet de désir et de spéculation »

LLe nom de Bombay (Mumbai) évoque communément, pour un public français, l’image des bidonvilles. Le succès de films comme Slumdog Millionaire (2008) alimente cet imaginaire, à travers des scènes spectaculaires censées se dérouler dans le quartier de Dharavi, considéré comme le plus grand bidonville d’Asie. On connaît moins l’intense convoitise dont Dharavi fait l’objet depuis deux décennies de la part des promoteurs immobiliers et des grands groupes capitalistes proches du parti nationaliste hindou au pouvoir dans le pays. Sous couvert de projets mal nommés de « réaménagement », ces grands groupes tentent de s’accaparer ces parcelles idéalement situées au cœur de la péninsule.

Cet article est tiré du « Hors-série Le Monde : Réinventons la ville »Septembre 2024, en vente en kiosque ou sur notre site marchand.

Car l’immobilier est une immense source de profits à Bombay. Avec la mise en place des politiques économiques néolibérales au début des années 1990, le secteur tertiaire et notamment le capitalisme financier se sont considérablement développés, entraînant une augmentation des inégalités au sein de la population urbaine. Ce nouvel afflux de capitaux vers les catégories les plus favorisées a ainsi entraîné une forte spéculation immobilière. En l’espace de quelques années, les prix ont été multipliés par cinq ou six dans le secteur, faisant de Bombay l’une des métropoles les plus chères du monde en 1996. Les anciens immeubles de faible hauteur ont commencé à être démolis pour laisser place à d’immenses tours de béton et de verre abritant des logements de luxe. Ce processus a profondément modifié l’apparence de la ville, ainsi que l’impact environnemental de ses bâtiments, puisque ces nouveaux bâtiments dépendent entièrement de la climatisation pendant la saison chaude.

Un héritage du capitalisme colonial

Parallèlement, les populations les plus vulnérables ont continué à s’entasser dans des bidonvilles. Au début des années 2000, près de la moitié des habitants de la ville, soit 5 à 6 millions de personnes, vivaient dans ce type d’espaces, qui occupaient 6 % de la superficie de la ville.

Si accentué qu’il ait été par la mise en œuvre des politiques néolibérales dans les années 1990, ce contraste violent est aussi l’héritage d’une histoire plus longue qu’il est utile de saisir pour penser les singularités présentes. Lieu d’implantations mineures durant la période précoloniale, la ville de Bombay a véritablement pris son essor dans la seconde moitié du XIXe siècle.et siècle, sous l’effet conjugué du dynamisme de son port, devenu l’un des principaux rouages ​​du capitalisme colonial britannique, et du développement d’une industrie textile cotonnière financée essentiellement par des capitaux indiens.

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Elise

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