Disparités dans l’accès à l’aide médicale à mourir | Un rappel à l’ordre du Collège des médecins
Parce que les médecins et les établissements de santé continuent d’entraver les demandes d’aide médicale à mourir admissibles, le Collège des médecins entend rappeler ses membres à l’ordre et interpeller le gouvernement.
Le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins, rappelle que si aucun médecin n’est personnellement tenu de procéder, « l’aide médicale à mourir est un soin au même titre que tout autre soin ».
Toute demande doit être faite conformément à la loi, et les patients doivent être correctement informés, précise le Dr Gaudreault.
« C’est une situation, comme d’autres, qui nous oblige à émettre un rappel périodique [aux médecins]et nous allons le faire », souligne le Dr Gaudreault.
En 2021-2022, 3 663 Québécois ont reçu une aide médicale à mourir, indique le rapport annuel de la Commission sur les soins de fin de vie déposé en décembre à l’Assemblée nationale. C’est proportionnellement plus élevé qu’en Belgique ou aux Pays-Bas, où la pratique dure depuis beaucoup plus longtemps qu’au Québec.
Dans le rapport, il est précisé que 334 Québécois sont décédés avant la fin de l’évaluation ou avant de la recevoir, que 74 autres demandes étaient en cours d’évaluation ou de traitement, et que pour 17 autres, une autre option de traitement a été privilégiée.
D’après le Dr Alain Naud, médecin de famille et en soins palliatifs au CHU de Québec, ces statistiques ne disent rien sur ces cas où des médecins reçoivent des demandes éligibles et « disent aux patients qu’ils n’y ont pas accès » alors qu’ils sont effectivement admissibles.
Un hôpital récalcitrant
Il mentionne également le cas de l’hôpital Marie-Clarac, dans le nord de Montréal, un hôpital fondé et dirigé par les Sœurs de la Charité de Sainte-Marie qui offre de la réadaptation et qui est aussi l’un des plus grands centres du genre au Québec en soins palliatifs.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE
Le pavillon Mère-Anselme-Marie et son unité de soins palliatifs à l’hôpital Marie-Clarac, à Montréal-Nord
Sur son site internet, cet établissement indique pour sa part très clairement qu’il ne fournit pas d’aide médicale à mourir. « La clientèle référée est informée précisément de cette pratique avant son admission, peut-on lire. La direction a mis en place un mécanisme d’évaluation et d’administration de l’aide médicale à mourir en collaboration avec un partenaire externe d’un établissement public de santé pour répondre à une éventuelle demande d’un usager. »
Le Dr Gaudreault précise avoir déjà écrit au gouvernement en 2019 au sujet de Marie-Clarac. Il a l’intention de l’interroger à nouveau prochainement.
Pour toute question, le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal nous a dirigés directement vers la direction de Marie-Clarac en nous disant qu’il n’avait qu’une responsabilité de surveillance quant à la sécurité et à la qualité des soins prodigués.
En entrevue, sœur Martine Côté, directrice générale, explique que l’hôpital est, comme tout CHSLD, un établissement privé conventionné et qu’il reçoit des fonds publics.
Un patient qui change d’idée et qui demande l’aide médicale à mourir, alors qu’il a été informé à son admission de la police en vigueur, serait alors transporté en ambulance vers un autre établissement et accompagné d’un membre du personnel.
Cela respecte l’usager, la loi et l’Église, et le gouvernement est pleinement conscient de cette façon très transparente de faire les choses.
Sœur Martine Côté, directrice générale de l’Hôpital Marie-Clarac
De nombreux hospices privés n’offrent pas non plus l’aide médicale à mourir, mais l’année dernière, un projet de loi les a presque obligés à le faire.
Une position qui soulève des questions
L’hôpital Marie-Clarac craint-il d’être attaqué en justice ou considère-t-il sa position juridiquement concrète ?
« C’est une bonne question », répond sœur Côté. Actuellement, c’est notre position, mais elle peut changer au fil du temps en fonction du contexte. »
L’Église ne semble pas près de changer la sienne, quel contexte pourrait alors faire évoluer Marie-Clarac ?
« Nous traversions la rivière [en temps et lieu]. Si nous ne le faisons pas [nous] donné plus de financement, maintiendrions-nous notre position? Je ne peux pas le dire. On s’adapte au contexte et on réfléchit. »
Il est à noter que les établissements de soins palliatifs réticents à administrer l’aide médicale à mourir pratiquent néanmoins la sédation continue, qui consiste à plonger une personne en fin de vie dans un sommeil profond afin de soulager ou de prévenir ses souffrances.
C’est ce traitement qui a été refusé à Andrée Simard, l’épouse du premier ministre Robert Bourassa, comme le rapporte La presse Vendredi.
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