Du vert sur le béton de Sao Paulo, le pari « fou » d’un Brésilien

Un corridor vert au milieu de la jungle de béton : en plantant plus de 40 000 arbres en deux décennies, le Brésilien Hélio da Silva a créé une oasis à Sao Paulo, mégalopole frappée de plein fouet par la crise climatique.

A 73 ans, cet ancien cadre de l’industrie agroalimentaire se décrit comme un « visionnaire » – même s’il sait qu’on l’a souvent pris pour un « fou ».

Avec ses propres fonds, il a construit la première ceinture verte de Sao Paulo, alignant des rangées denses d’arbres de 3,2 km de long et 100 mètres de large à Penha, un quartier à l’est de la plus grande ville d’Amérique latine.

La bande verte est coincée entre deux routes très fréquentées de la capitale économique du Brésil, qui compte 12 millions d’habitants, dans une zone auparavant abandonnée où erraient les consommateurs de crack.

Elle a été complètement transfigurée par un homme aux cheveux blancs portant d’épaisses lunettes à monture carrée qui ressemble à Carl, le héros du dessin animé Pixar “Up” (2009).

Il n’hésite pas à serrer dans ses bras les troncs d’arbres et même à leur parler, « à voix basse », pour ne pas être pris « une fois de plus » pour un fou par les passants.

– Oiseaux et espèces indigènes –

Originaire de Promissao, une ville située à environ 450 km de Sao Paulo, l’ancien cadre s’est lancé dans cette aventure en novembre 2003, après une promenade avec sa femme dans son quartier de Penha, où le gris était la couleur dominante.

“Je voulais laisser un héritage à la ville qui m’a accueilli. J’ai commencé à planter des arbres et je n’ai jamais arrêté”, a-t-il déclaré à l’AFP.

L’arboriculteur improvisé n’a jamais demandé l’autorisation formelle des autorités, mais la mairie a inauguré ce nouvel espace vert cinq ans plus tard, en 2008, en le baptisant « Parc linéaire de Tiquatira ».

Le parc compte aujourd’hui 32 000 arbres, et Hélio da Silva en a également planté 9 000 supplémentaires dans les environs. Plus de 160 variétés sont représentées, la plupart étant des espèces indigènes. Il veille également à planter au moins un arbre fruitier sur douze, pour attirer les oiseaux.

Selon la mairie, 45 espèces d’oiseaux ont été observées dans cette forêt urbaine qui regorge de pau-Brasil (arbre au bois rouge emblématique du Brésil), de palmiers et de cèdres.

« Il existe plus d’un millier de jequitibas, un arbre brésilien qui vit plus de 3 000 ans », raconte avec fierté Hélio da Silva, qui consacre plus de 6 000 euros par an à cette passion. Il lui faut environ dix minutes pour planter chaque nouvelle bouture.

Selon les experts, les espaces verts en zone urbaine sont fondamentaux pour absorber la chaleur et améliorer la qualité de l’air.

Et à Sao Paulo, une ville tentaculaire déjà très polluée, la qualité de l’air s’est considérablement détériorée ces dernières semaines, devenant l’une des pires au monde, en raison de la fumée des incendies de forêt qui ravagent le Brésil.

Ces incendies sont alimentés par une sécheresse extrême, notamment liée au changement climatique.

– “Apporter la vie” –

Cette oasis est donc bénéfique pour le quartier, qui salue affectueusement Hélio da Silva lorsqu’il passe, albums photos en main pour montrer aux curieux l’évolution du lieu, de friche à ceinture verte.

“Regardez comme il a transformé cette zone dégradée. C’est splendide, je viens me promener ici toute la journée”, se réjouit Angela Maria Fiorindo Pereira, une enseignante retraitée de 69 ans.

Lui-même à la retraite depuis 2022, le septuagénaire passe une bonne partie de son temps à arpenter les lieux pour identifier de nouveaux espaces. Son objectif : atteindre les 50 000 arbres plantés.

Des bénévoles viennent parfois prêter main-forte à cet homme qui a dû subir deux opérations à l’épaule, en creusant la terre pour planter de nouveaux spécimens.

« Je veux apporter de la vie ici », dit-il, déterminé à poursuivre sa vocation, inscrite sur sa carte de visite : « Hélio da Silva, planteur d’arbres ».

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