VVictime de son succès ? Plébiscitée sur les réseaux sociaux depuis des mois, la pâte à tartiner algérienne El Mordjene Cebonce est désormais interdite en France car incompatible avec les règles en vigueur au sein de l’Union européenne.
Texture « incroyable », « tuerie », « très très bonne » : sur TikTok, les influenceurs ne tarissent pas d’éloges sur la pâte à tartiner El Mordjene Cebon, vendue à des prix bien supérieurs à ceux du marché : plus de 10 euros le pot. Des images de palettes remplies de cette crème aux noisettes torréfiées circulent sur les réseaux sociaux, indiquant quelles petites épiceries vendent la fameuse pâte à tartiner. Au cœur de Marseille, dans le quartier animé et populaire de Noailles, il est facile d’en trouver, comme dans cette enseigne où le pot est à 30 euros alors que le prix n’est pas affiché.
Nacera et sa fille en ont entendu parler sur TikTok mais le prix les a fait reculer. « C’est comme la crème Kinder Bueno, apparemment », ont-elles expliqué à l’AFP. Le gérant du magasin, qui souhaite garder l’anonymat, a lu que le produit qu’il « vend depuis 2022 » était interdit mais dit n’avoir reçu aucune notification des autorités. Selon lui, le principal problème est la similitude du goût avec les produits Ferrero, comme le Kinder Bueno.
“Ferrero réfute les informations circulant sur sa potentielle implication dans l’interdiction de commercialisation de tout produit en France”, a commenté l’industriel auprès de l’AFP.
Importations bloquées
Si le produit est devenu viral, il n’est pas compatible avec les règles d’importation de l’Union européenne. L’Algérie ne réunit pas “toutes les conditions nécessaires pour permettre à un pays tiers d’exporter vers l’Union européenne des marchandises contenant des produits laitiers destinés à la consommation humaine dans le respect des exigences européennes en matière de santé animale et de sécurité alimentaire”, selon le ministère français de l’Agriculture. Une enquête a été ouverte “afin de déterminer les mécanismes de contournement qui ont permis jusqu’à présent la mise sur le marché de ce produit”, ajoute-t-il.
“Deux cargaisons (de pâte à tartiner El Mordjene Cebon, ndlr) sont actuellement bloquées aux postes frontières français”, selon la même source. Interrogé par le magazine 60 millions de consommateurs, l’ingénieur agroalimentaire à l’Institut national de la consommation, Xavier Lefebvre, a également relevé un “étiquetage nutritionnel” qui “ne respecte pas le format standard français et européen”. La pâte à tartiner est disponible dans les petits commerces mais pas chez les grands distributeurs.
En France, le leader du secteur est de loin Nutella, produit par l’italien Ferrero, qui détient plus des trois quarts du marché des pâtes à tartiner chocolatées en grandes surfaces, selon la fédération du secteur (FCD).
La fierté algérienne
Pour le président de l’Association algérienne de protection des consommateurs (Apoce) Mustapha Zebdi, cette interdiction est “une décision abusive” destinée à protéger les pâtes à tartiner européennes. “S’il y avait effectivement des mesures à prendre, il aurait fallu le faire bien avant, car le produit est sur le marché français depuis des années”, a-t-il déclaré à l’AFP. “Les associations de protection des consommateurs en France devraient normalement agir car (les Français) consommaient un produit suspect, non conforme à leur réglementation”, prédit-il.
En Algérie, pays d’origine de cette pâte à tartiner, les habitants se disent fiers du succès international du produit. “J’ai fait près de 20 kilomètres à cause de cette pâte El Mordjene. Elle est devenue très célèbre”, a déclaré à l’AFP Hassen Mekid, 49 ans, vantant “le produit de notre pays”. Les Algériens se “ruent” pour acheter cette pâte à tartiner, explique Rabie Zekraoui, un commerçant de 23 ans dont la boutique est située à Alger. “Il ne nous reste qu’un seul carton”, affirme-t-il, affirmant qu’il faut “soutenir les produits algériens”.
“Nous nous réjouissons de tout cela, mais la réalité de l’histoire est que nous n’avons rien à voir” avec cet engouement, assure Amine Ouzlifi, porte-parole de l’enseigne Cebon, dont le siège est à Tipaza, à 70 kilomètres à l’ouest d’Alger.