Élections législatives 2024 : la prudence du patronat face à la montée du RN

Finalement, le Medef sera tiré d’affaire. Ce mardi midi, près de 40 heures après l’annonce par Emmanuel Macron de la dissolution de l’Assemblée nationale, l’organisation patronale a fini par envoyer un communiqué exposant ses lignes rouges pour les prochaines élections législatives. La veille au soir, en réaction à l’une des plus fortes explosions politiques du Ve République, elle s’est contentée d’une simple phrase adressée à quelques journalistes.

Embarrassés, les employeurs ? « Il y a une certaine prudence, les chefs d’entreprise sont abasourdis, comme la société dans son ensemble », reconnaît une personnalité du monde de l’entreprise. C’est ce patron du CAC 40, qui dit avoir convoqué un comité exécutif lundi matin pour faire le point sur la situation politique inédite. C’est cette phrase qui revient ces dernières heures dans les conversations de dirigeants furieux : “Macron nous fout en l’air !” » Une forme de désenchantement pour un chef d’Etat longtemps adulé.

Le pousseur RN

Mais dès lundi, les organisations patronales ont cherché à réagir. Le Medef, la CPME et l’U2P (artisans, petits commerçants et professions libérales) ont tenté d’aboutir à un communiqué commun. Au sein de toutes ces organisations, le programme économique du RN – grand favori des prochaines législatives – fait office de repoussoir. “C’est une hérésie, c’est totalement inapplicable”, juge un dirigeant de PME qui a jugé Jordan Bardella “complètement inutile” lors de son audition en avril par la CPME.

Mais cette concertation n’a finalement pas abouti, chacun préférant vivre dans des pièces séparées. Une décision qui démontre clairement la réticence des organisations patronales à avancer sur le plan politique. « Beaucoup d’adhérents considèrent que ce n’est pas notre rôle de nous positionner dans le débat électoral », explique un dirigeant de la fédération. En 2022, le Medef avait pris une position claire contre Marine Le Pen avant le second tour de l’élection présidentielle et cela avait déjà suscité de longs débats au sein de ses instances.

« Cela n’allait pas de soi, d’autant qu’il y a des électeurs RN parmi les adhérents comme dans toute la société », rappelle un témoin de l’époque. « C’est encore plus compliqué aujourd’hui, avec une RN à 30 %. Jordan Bardella a pris les devants parmi les salariés, c’est difficile pour un patron de parler après ça», juge le chiffre du monde des affaires.

« Communiqué anti-populiste »

Tout cela a culminé avec un communiqué pour le moins énigmatique lundi soir de la CPME (où l’on retrouve également dans les rangs les électeurs de Jordan Bardella), mettant en garde contre des « réformes coûteuses » sans vraiment cibler explicitement le RN. Le Medef se montre plus offensif dans ce communiqué de mardi, tapant plus clairement sur les mesures avancées par LFI et le RN, comme « le retour à la retraite à 60 ou 62 ans, (…), la nationalisation des autoroutes (…), la sortie de l’énergie ou de l’énergie nucléaire » et appelant à une « forte inclusion dans le jeu européen ». «C’est un communiqué antipopuliste», explique-t-on au Medef.

Pas sûr que cela suffise à Bruno Le Maire. Mardi matin sur BFMTV, le ministre a appelé le « monde économique » à se mouiller, contre le RN. Les chefs d’entreprise doivent dire « que (…) si ce programme passe, nous fermerons nos usines et supprimerons des emplois », a-t-il soutenu. “Je pense au contraire qu’une position trop forte du patronat alimenterait le vote anti-élite RN”, répond le patron du CAC 40.

LFI fait plus peur que le RN

L’attentisme est d’autant plus fort que le monde économique juge que la situation n’est pas stabilisée. Des pans entiers de LR vont-ils basculer au RN ? LFI gardera-t-elle le leadership à gauche ? « Au sein du patronat, LFI suscite une inquiétude bien plus grande que le RN. Au fond, on se dit que si LR les rejoint, ça va devenir un RPR nouveau look », estime un dirigeant de fédération. Le monde des affaires n’a pas oublié ce qui s’est passé en Italie. « On peut très bien estimer que Marine Le Pen fera comme Giorgia Meloni et modifiera son programme », analyse le patron du CAC 40.

Pour Alain Minc, cette prudence ne durera qu’un temps. «L’ancienne Première ministre britannique Liz Truss n’a tenu que trois jours face aux marchés. D’ici le 7 juillet, le spread (la différence de taux avec l’Allemagne, NDLR), qui s’est déjà nettement accru, va encore s’accroître et rendre la situation économique terrifiante. Cela va effrayer le patronat et les classes moyennes et mobiliser un électorat en faveur des partis de gouvernement», assure l’essayiste.

Juliette

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