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Emmaüs doit faire « un travail de sensibilisation sur ce qu’a pu faire l’abbé Pierre »

De nouvelles plaintes contre l’abbé Pierre en France, homme d’Eglise et fervent défenseur des plus démunis. Dix-sept nouveaux témoignages d’agressions sexuelles ont été recensés, en plus des sept déjà recueillis quelques semaines plus tôt. Il s’agissait aussi d’un homme violent qui agressait et même violé des femmes pendant des années. L’image associée à l’abbé Pierre sera désormais celle d’un prédateur sexuel, selon l’invité de RFI, le délégué général de l’association Emmaüs International, Adrien Chaboche.

RFI : De nouvelles révélations sur l’abbé Pierre viennent encore briser ce mythe français. Cet homme, fondateur des compagnons d’Emmaüs, s’est engagé toute sa vie auprès des plus démunis. Mais aussi un homme qui a agressé des femmes et au moins un enfant, comme l’affirment de nombreux témoignages. Les premières accusations ont été rendues publiques en juillet dernier, dix-sept autres se sont ajoutées il y a quelques jours pour des faits dont certains peuvent être qualifiés de viols. Il faut noter que vous-même, l’association Emmaüs, contribuez à la révélation de ces informations. Quand avez-vous eu connaissance de ces agressions ?

Adrien Chaboche : Nous avons été contactés en juin 2023 par le témoignage d’une victime, ce qui nous a conduit à initier ce travail de compréhension et d’analyse de ce qui a pu se passer. D’où un travail d’écoute, que nous avons confié à un cabinet spécialisé, le cabinet Egae, dont nous avons rendu publiques les conclusions une première fois en juillet, après l’ouverture d’une ligne de témoignage direct, et une seconde fois vendredi dernier.

Quel est votre rôle aujourd’hui aux côtés des victimes ?

D’abord, il s’agit essentiellement de les écouter. Enfin, de leur donner l’écoute qu’ils auraient dû avoir, bien avant. Certains avaient déjà contacté les autorités, soit à Emmaüs, soit à l’Eglise, et n’avaient pas été entendus. Je crois qu’il est important de reconnaître que ce qu’ils ont vécu est complètement anormal et que nous le dénoncions dans les termes les plus forts possibles. Et puis, après, de leur apporter un soutien, notamment celles qui le souhaitent peuvent bénéficier d’une séance avec un psychologue spécialisé dans le psychotraumatisme et nous sommes en train d’organiser des rencontres entre les victimes qui le souhaitent et les membres de nos conseils d’administration pour avoir un véritable échange.

Prévoyez-vous d’autres mesures concrètes pour les soutenir, voire les réparer aussi ?

C’est un travail long et difficile. Nous y travaillons, nous y réfléchissons. En effet, nous sommes bien conscients qu’il faut avancer sur ce sujet. Pour l’instant, c’est quelque chose sur lequel nous réfléchissons actuellement.

Il y a un choix de votre part d’être transparente, voire active, aux côtés des femmes qui dénoncent ces agressions. Un choix qui a été salué par plusieurs groupes féministes. Mais en fait, et cela aussi, nous avez-vous dit, beaucoup étaient au courant… Nos confrères de Radio France ont eu accès à des documents qui montrent que l’Église et l’organisation Emmaüs en avaient connaissance dès les années 1950. Pourquoi l’abbé Pierre a-t-il été étouffé à cette époque et pendant des décennies ? ?

C’est une très bonne question, à laquelle je ne suis pas en mesure, en tout cas, de répondre avec certitude, car cela nécessite, comme vous l’avez très bien dit, de chercher dans les archives, d’interroger des gens sur une longue période et dans plusieurs pays. C’est un travail que nous aimerions voir réalisé. Nous avons donc décidé de créer une commission d’historiens et de chercheurs en sciences sociales pour pouvoir, en toute indépendance, répondre aux questions que vous avez posées et qui sont aussi les nôtres. C’est-à-dire, comment un homme aussi connu, pendant tant d’années, a-t-il pu faire ce qu’il a fait sans qu’un véritable arrêt ne soit donné un instant ?

Vous travaillez avec un cabinet privé, le cabinet Egae. C’est une référence en France pour l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles. Encouragez-vous également les victimes à déposer plainte et à engager des poursuites judiciaires ?

Nous pensons que les victimes doivent pouvoir être accompagnées dans leur choix, y compris judiciaire si elles le souhaitent. En tout état de cause, nous tenons toutes nos informations à disposition des tribunaux si elles souhaitent agir.

Est-ce quelque chose que vous encouragez ?

C’est quelque chose que nous sommes prêts à soutenir.

Plusieurs décisions ont été annoncées récemment, la Fondation Abbé Pierre a annoncé qu’elle allait changer de nom. Un lieu de mémoire va également être fermé. D’autres mesures sont-elles envisagées au sein d’Emmaüs International, qui est l’une des organisations fondées par l’abbé Pierre ? Car aujourd’hui, dans ces trois associations, l’image de l’abbé Pierre est omniprésente.

Oui, c’est une figure très importante pour nous, bien sûr, historiquement et aussi symboliquement. Beaucoup de gens qui s’engagent à Emmaüs, ou qui nous rejoignent comme compagnons, le font parfois au nom de l’abbé Pierre. Il y a un travail qui commence, mais qui est vraiment au tout début de la prise de conscience de ce qu’il a pu faire, pour reconstruire notre histoire, non pas en effaçant l’abbé Pierre, mais en tenant compte de sa personnalité que nous ne connaissions pas, en nous présentant au monde différemment.

Il est possible de continuer à prétendre lutter pour les plus pauvres, tout en prenant en compte ces horreurs commises depuis des décennies. ?

Se réclamer de l’abbé Pierre est une question difficile… Mais les combats que l’abbé Pierre a menés et qui sont aussi ceux du mouvement Emmaüs depuis le début, oui, car ce sont nos combats. Emmaüs est une œuvre collective, qui n’existerait certainement pas sans l’abbé Pierre, mais qui n’aurait pas existé non plus sans les premiers compagnons, sans les amis des bénévoles, toutes les personnes qui ont rendu cette action possible et qui la mettent en œuvre au quotidien aujourd’hui.

Constatez-vous des effets sur les personnes qui travaillent avec vous, notamment sur les bénévoles qui pourraient être découragés ou qui ne souhaitent plus travailler pour vos associations ?

Il y a eu évidemment un choc, un choc, une grande souffrance, une douleur évidemment… Mais j’ai aussi entendu des gens dire : « mais en fait, cela ne nous empêche pas de continuer à agir sur les valeurs qui sont les nôtres et qui, encore une fois, sont celles du mouvement Emmaüs, indépendamment de l’abbé Pierre. « J’ai donc entendu des gens dire que cela nous faisait mal, que cela nous affectait, mais que cela ne nous empêcherait pas de continuer nos actions et de continuer nos combats comme avant.

Avec le nom de l’Abbé Pierre qui peut encore apparaître sur un certain nombre de documents, sur des chantiers, sur des bâtiments, lors d’opérations ?

C’est un travail qui prend du temps. Car c’est aussi un travail que doit mener cette organisation qui est une organisation de groupes de base. C’est-à-dire que chaque groupe est indépendant et nous construisons ensemble notre décision collective. Évidemment, cela prend du temps à l’échelle de 40 pays et de plus de 400 groupes. Chaque groupe doit maintenant commencer ce travail de réflexion sur la place qu’il va donner à l’abbé Pierre. Nous ne donnons pas de consignes, mais nous invitons les gens à être responsables dans les choix qui sont faits, compte tenu du fait que l’image de l’abbé Pierre, maintenant, est aussi celle d’un prédateur sexuel.

A lire aussiFrance : Des documents révèlent comment l’abbé Pierre a muselé ceux qui voulaient le dénoncer

Anna

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