Souvent, après les prières de l’aube, Sanah retrouve d’autres femmes de son quartier de Kaboul pour marcher, sans jamais courir ni s’approcher trop près des checkpoints talibans : si ces Afghanes rasent les murs, c’est que le sport leur est désormais interdit.
“Nous ne nous approchons pas des checkpoints car ils nous demandent : +Pourquoi êtes-vous sortis si tôt ? Où allez-vous ? Pourquoi avez-vous besoin de faire du sport ?+”, explique cette Afghane de 25 ans qui se cache derrière un faux nom par peur des représailles, comme les autres femmes interrogées par l’AFP.
Appliquant de manière ultra-rigoriste la loi islamique, les talibans imposent depuis leur retour au pouvoir en août 2021 un « apartheid de genre », selon l’ONU.
Fin 2022, le ministère de la Propagation de la vertu et de la Prévention du vice a interdit aux femmes afghanes l’accès aux parcs et aux gymnases, invoquant des violations du code vestimentaire strict.
Autrefois, les salles de sport disposaient de places réservées aux femmes. Aujourd’hui, s’il existe encore quelques salles réservées aux femmes, elles sont régulièrement fermées.
– “Combattre la dépression” –
Sanah et son amie Latifah avaient l’habitude de se promener dans un grand parc boisé où il y avait des jours réservés aux femmes.
Latifah raconte en larmes que la dernière fois qu’elle est allée au parc, peu de temps après son interdiction par les talibans, elle a été battue et expulsée de force.
« J’ai un taux de cholestérol élevé et des problèmes de foie. Mon médecin m’a dit de faire de l’exercice », dit-elle, « mais on ne peut plus aller à la salle de sport ni se promener librement dehors avec les talibans. »
Quant à Sanah, qui aimerait devenir professeur de yoga, elle demande à ses amies de faire quelques exercices d’aérobic et de méditation après leur promenade.
« Respirez profondément », leur dit-elle doucement, assise en position du lotus dans la lumière jaune de l’aube sur un balcon à l’abri des regards.
Rayan, 19 ans, et quelques compagnons de boxe se retrouvent chez un ami pour s’entraîner avec le peu de matériel disponible.
« Nous n’avons jamais arrêté », a-t-elle déclaré, montrant une vidéo sur son téléphone d’elle en train de lancer des crochets et des uppercuts.
Une autre boxeuse, Bahar, 20 ans, explique que ces interdictions affectent profondément les femmes.
« Quand on boxe, même si on s’entraîne quelques minutes, ça fait une grande différence », confie la jeune femme, les mains encore tachées de henné de son récent mariage.
Mais alors qu’elle faisait autrefois de la compétition, elle s’entraîne désormais avec ses amis « pour combattre la dépression » – en secret parce que son mari ne sait pas qu’elle n’a pas abandonné le sport.
– “Un peu d’espoir” –
De nombreux sportifs ont quitté l’Afghanistan après le retour des talibans, dont le gouvernement n’est toujours reconnu par aucun pays.
Certains participent à des compétitions internationales, sous la bannière de l’ancien régime ou au sein de l’équipe des réfugiés, comme ce fut le cas aux JO de Paris.
Interrogées par l’AFP, les autorités de Kaboul ont balayé d’un revers de main la question.
« Le sport féminin a été stoppé en Afghanistan. S’il n’est pas pratiqué, comment peuvent-elles faire partie de l’équipe nationale ? », s’interroge Atal Mashwani, porte-parole du gouvernement pour les sports.
Banafsha, ceinture noire de wushu, un art martial chinois, « est heureuse que les femmes n’aient pas abandonné ».
L’ancienne championne, qui a brûlé son équipement de combat lorsque les talibans ont pris le pouvoir, vit désormais en recluse chez elle, « désespérée et le cœur brisé ».
Hasina Hussain Zada, qui travaille pour Free to Run, une organisation qui promeut le sport féminin, affirme que les sports en ligne ne remplaceront jamais les cours en personne, l’adhésion à une équipe ou les entraînements en plein air.
« On conseille aux participants de se dire qu’on est en période de Covid », où tout le monde était confiné, explique la jeune femme de 28 ans, exilée au Canada, qui continue de soutenir les exercices en salle pour les femmes afghanes, « prudemment, en secret ».
« Nous essayons de leur donner un peu d’espoir », a-t-elle déclaré.
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