en bourse, acheter moins cher n’est pas toujours une bonne idée

Un rapport qualité-prix bon marché est-il vraiment une bonne affaire ? Attention à ne pas oublier qu’en Bourse, les perspectives de profits sont cruciales.

En Bourse, on oppose souvent le style de gestion croissance au style de gestion valeur. La première méthode consiste à sélectionner des titres en fonction de la croissance future de l’entreprise, tandis que la seconde cible des titres bon marché, soit par rapport à leur propre histoire, soit par rapport à leur secteur ou au marché.

Cette logique a du sens, mais acheter les actions les moins chères n’est pas toujours une bonne idée, surtout lorsque les investisseurs font l’erreur de vouloir simplifier à l’excès l’évaluation du prix d’une action, par exemple en la réduisant au PER. (rapport prix/bénéfice), le fameux ratio cours/bénéfice par action.

Pas cher, Atos ?

La qualité des données est la première question à se poser. Croyez-le ou non, mais certains sites boursiers continuent d’afficher un PER de 3 fois sur Atos, prenant en compte un bénéfice par action de 0,66 € pour l’exercice 2023. Pour ceux qui ont suivi les aventures récentes d’Atos, ce chiffre peut paraître curieux.

Mais imaginez que ce soit juste, si l’on prend en compte le nombre actuel d’actions (environ 111,6 millions) et le « résultat net normalisé », ce est-à-dire « retraité des éléments inhabituels, anormaux et peu fréquents », enregistré par Atos en 2023. Le problème, c’est qu’une fois ces éléments intégrés, le bénéfice net 2023 vire au rouge vif, avec une perte de… 3,4 milliards d’euros. Sans compter que de tels éléments avaient déjà représenté un milliard d’euros dans la perte enregistrée en 2022 et 2,7 milliards d’euros dans celle de 2021. Rare, vraiment ?

Le bilan compte

C’est précisément dans ce cas extrême qu’un indicateur simpliste comme le PER peut s’avérer défaillant et nécessiter des vérifications complémentaires, comme l’examen du tableau de flux de trésorerie ou du bilan. Dans le cas d’Atos, on constate ainsi que les fonds propres ont quasiment été anéantis en 2023, passant de 3,8 milliards à 55 millions d’euros en un an, ce qui est à comparer avec des dettes financières près de 50 fois supérieures.

Intenable, qui nécessite une augmentation massive de capital, donc une forte augmentation du nombre d’actions. Le PER d’Atos de 3 fois est donc basé sur un résultat par action techniquement juste, mais dont le numérateur comme le dénominateur sont éminemment discutables.

Attention aux comparaisons

Même lorsque les éléments de valorisation d’une entreprise sont plus solidement établis que dans le cas d’Atos, la logique du choix du moins cher n’est pas toujours valable. Deux entreprises peuvent opérer dans le même secteur et présenter des ratios de valorisation différents pour de bonnes raisons : parce que l’une a une part de marché beaucoup plus élevée que l’autre, ce qui lui permet de jouer le rôle de « consolidateur » et de réaliser des économies d’échelle ; parce qu’il se positionne sur la niche la plus rentable de la chaîne de valeur du secteur, ou sur des segments où la tendance est plus forte, etc.

Faites attention à la direction du vent

Si certains s’inquiètent d’une éventuelle surévaluation du marché, la question reste de savoir si leurs doutes surviennent au bon moment. On se souvient d’une expression restée célèbre : “exubérance irrationnelle” du marché. On le doit à Alan Greenspan, qui fut à la tête de la Réserve fédérale américaine de 1987 à 2006 et alertait ainsi des risques de surévaluation des actions alors que se gonflait ce qu’on appelait la « bulle internet ».

Plusieurs décennies plus tard, l’avertissement semble avoir été judicieux : la bulle Internet a bel et bien éclaté en mars 2000. Mais l’alerte a été donnée bien trop tôt, en décembre 1996. Vendre à cette époque le S&P 500 revenait à se priver du doublement du S&P 500. du marché qui suivrait. Et même au plus fort de la prochaine crise boursière, au printemps 2003, le marché américain n’allait jamais retomber aux niveaux de fin 1996.

Pour espérer

Le simple fait de regarder la valorisation est biaisé vers le passé, ce qui peut être trompeur, à l’échelle d’une entreprise et même d’un marché. Quand on compare les deux grands pays d’Asie émergente, le constat est le même depuis des années : la bourse indienne est bien plus chère que celle de la Chine. Cela n’a pas empêché le second de faire moins bien que l’indice MSCI Emerging Markets en 2021, 2022 et 2023, trois années où l’Inde a au contraire surperformé. Le marché chinois paie actuellement 10 fois les résultats de l’année à venir, contre 22 fois pour l’Inde. Cela augure-t-il d’un renversement de tendance ? Pas si sûr.

Tous les marchés ne sont pas identiques

Les deux pays sont à un stade de développement différent : le PIB par habitant en Chine était de 12 720 dollars en 2022, soit 5 fois plus qu’en Inde, mais le sous-continent bénéficie d’un dynamisme démographique bien plus important : fécondité plus forte, population plus jeune. Les structures économiques sont également différentes : la Chine exporte plus de produits, l’Inde plus de services, notamment informatiques : des activités moins capitalistiques et structurellement mieux valorisées par le marché.

En bourse, la valorisation compte évidemment. Mais ce n’est qu’un élément de l’analyse financière, dans lequel l’évaluation des perspectives doit également jouer un rôle clé.

Juliette

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