En Chine, le vin est avant tout une affaire de femmes

Elle avait surpris les spécialistes avec un millésime chinois primé lors d’un prestigieux concours international : aujourd’hui, Zhang Jing et une génération toujours plus nombreuse de femmes s’emploient à faire connaître le vin du pays asiatique.

Dans le monde, “il y a de plus en plus d’excellentes vigneronnes”, se réjouit-elle en faisant visiter à l’AFP la cave de son domaine, Helan Qingxue, dans la région du Ningxia (nord).

“Mais c’est très intéressant, au Ningxia (…), les femmes propriétaires et viticultrices, employées au marketing ou à l’accueil représentent probablement plus de 60% (des effectifs). C’est une proportion importante”, souligne-t-elle.

Ces dernières décennies, des dizaines de milliers d’hectares de vignes ont fait leur apparition dans cette région, où sont produits les meilleurs vins chinois, dont beaucoup – Helan Qingxue, mais aussi Silver Heights, Kanaan Winery, Jade Vineyard… – sont produits par des femmes.

Zhang Jing est une pionnière. En 2011, l’un de ses vins rouges a remporté une médaille d’or aux Decanter World Wine Awards de Londres, l’un des plus grands concours de vins au monde.

Elle a depuis été imitée, au point que « l’industrie (du vin chinois) est désormais très largement dominée par les femmes », assure Fongyee Walker, experte au cabinet de conseil Dragon Phoenix.

« Quand je pense aux domaines les plus célèbres en Chine, beaucoup sont dirigés par des femmes », ajoute-t-elle.

– Plus de yin, moins de yang –

Pour cette spécialiste, l’explication réside dans la jeunesse du secteur viticole chinois : en Occident, c’est un domaine « très largement dominé par les hommes car c’est une industrie traditionnelle » tandis qu’en Chine, son caractère encore récent permet plus facilement de « créer une entreprise en tant que femme ».

Le soutien des autorités locales est également utile : c’est grâce à elles que Zhang Jing a rencontré les deux autres cofondateurs de son domaine.

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Les deux hommes, qui voulaient se lancer dans le vin pour leur retraite, lui ont proposé de devenir maître de chai. Elle a demandé à pouvoir d’abord étudier la spécialité à l’étranger.

Beaucoup d’autres femmes ont fait de même, explique Zhang Jing. À leur retour, elles étaient les plus qualifiées pour participer à l’essor du vin chinois.

C’est le cas d’Emma Gao, l’une des premières femmes chinoises à avoir obtenu un diplôme d’œnologie, formée à Bordeaux et à la tête du domaine Silver Heights, fondé par son père. Ses vins sont régulièrement servis lors des dîners officiels du président Xi Jinping avec les dirigeants européens.

« Je pense que la Chine est très tolérante envers les femmes, et on voit même un peu plus le yin (le côté féminin, ndlr) s’épanouir, tandis que le yang (la partie masculine, ndlr) recule », sourit-elle, un pas en avant dans cette société traditionnellement très patriarcale.

Les bâtiments modernes et angulaires du domaine reflètent l’approche innovante de Silver Heights, le premier vignoble certifié biodynamique de Chine : il utilise des techniques naturelles telles que des engrais fabriqués à partir de cornes de vache remplies de bouse.

– Expériences –

Ici, la vinification se fait non seulement dans des fûts métalliques mais aussi dans des récipients plus petits et atypiques, en forme d’œuf ou de vase, fabriqués avec de l’argile du Ningxia.

« La Chine est une zone de production relativement nouvelle, donc il n’y a pas encore de direction claire », note Emma Gao, ce qui ouvre la voie à toutes sortes d’expérimentations, de la plantation à la vinification.

Une expérience récente, un vin mousseux incorporant de l’alcool de riz local, a rencontré un succès certain auprès des Chinois.

Et dans ce pays féru de nouvelles technologies, l’influenceuse Zhu Lili joue également un rôle majeur dans la promotion du vin.

Diffusée en direct avec trois caméras depuis un restaurant de Pékin, elle décrit chaque bouteille avec une expertise qu’elle tient de sa famille, sa mère dirigeant un domaine viticole renommé.

Tandis qu’elle explique la différence entre les cépages, des liens apparaissent sur les écrans de ses deux millions d’abonnés, les invitant à acheter immédiatement, un canal de vente important pour les producteurs de vin.

« Les mères de famille dans la quarantaine aiment mes vidéos parce qu’elles leur montrent la vie qu’elles n’ont pas eu le temps d’explorer » : en s’informant sur le vin, elles ont l’impression « d’avoir leur propre vie indépendante ».

Les alcools chinois classiques – la bière et le baijiu, une eau-de-vie – sont généralement consommés par les hommes.

Mais « la manière dont les vins sont promus ici est par la sophistication », un argument qui plaît aux femmes, explique Fongyee Walker, qui note, comme Zhang Jing, que le corps étudiant des cours d’œnologie est en très grande majorité féminin.

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