Cinq militaires ont été mis en examen jeudi pour non-assistance à personne en danger dans le cadre de l’enquête sur le naufrage d’un bateau de migrants dans la Manche en 2021, qui avait entraîné la mort de 27 personnes au large de Calais. Les secours français sont soupçonnés d’avoir été appelés quinze fois par les passagers en détresse, sans intervenir.
Après les passeurs, le sauvetage : l’enquête sur le naufrage d’un bateau ayant entraîné la mort de 27 migrants dans la Manche en novembre 2021 s’accélère avec l’inculpation jeudi 25 mai de cinq militaires soupçonnés d’avoir commis une faute dans leur mission de secours cette nuit.
Neuf personnes, dont au moins cinq militaires du Centre opérationnel régional de surveillance et de sauvetage (Cross) Gris-Nez dans le Pas-de-Calais, avaient été placées en garde à vue ces derniers jours et interrogées par la Section de recherche de la gendarmerie maritime de Cherbourg. , selon une source judiciaire et une source proche du dossier.
Selon la source proche du dossier, les cinq militaires, trois femmes et deux hommes, ont été présentés jeudi après-midi aux juges d’instruction de la juridiction nationale de lutte contre le crime organisé (Junalco) de la Cour de justice de Paris. Selon une source judiciaire, ces cinq personnes ont été mises en examen pour non-assistance à personne en danger et laissées libres après leur interrogatoire.
Le code de justice militaire restreint fortement les possibilités de placer les militaires sous contrôle judiciaire. Ces trois femmes et deux hommes étaient tous affectés à la Croix au moment des faits, selon la source proche du dossier.
Dans cette affaire, les autorités françaises sont soupçonnées d’avoir été appelées à l’aide une quinzaine de fois et de ne pas être venues en aide aux migrants la nuit du naufrage.
Interrogé par l’AFP, le directeur de la Croix Gris-Nez, chargé des secours dans la Manche, n’a pas souhaité réagir.
« Tous les opérateurs actuellement à la Croix Gris-Nez ou à bord ont l’entière confiance du préfet pour mener les opérations de sauvetage en mer », a indiqué à l’AFP la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord.
« On ne peut que se réjouir que les choses avancent d’un point de vue pénal, qu’on fasse enfin la lumière sur cette affaire, que les propos des victimes ou des proches des victimes puissent enfin être entendus au niveau judiciaire », a réagi Flore Judet, porte-parole d’Utopia 56, une association d’aide aux migrants.
« Aidez-moi, s’il vous plaît »
Le bateau a coulé au petit matin du 24 novembre 2021, entraînant la mort de 27 passagers, majoritairement des Kurdes irakiens, âgés de 7 à 46 ans. Personne ne leur est venu en aide. Ni côté français, ni côté britannique, chacun passant la nuit à se renvoyer la balle, selon des documents d’enquête consultés par l’AFP et révélés par Le Monde en novembre.
Dans une conversation téléphonique avec la Croix, dont l’AFP a eu connaissance, un migrant a déclaré : « Au secours, s’il vous plaît (…), je suis dans l’eau ». « Oui, mais vous êtes dans les eaux anglaises, monsieur », lui répond son interlocuteur. « Non, non, pas les eaux anglaises, les eaux françaises, s’il vous plaît, pouvez-vous venir vite », supplie-t-il à nouveau, avant que la conversation ne soit interrompue.
« Eh bien, n’entendez-vous pas, vous ne serez pas sauvé. ‘J’ai les pieds dans l’eau’, eh bien, je ne vous ai pas demandé de partir », a alors déclaré l’opérateur.
Ces éléments, qui rejoignent les dires des deux rescapés, avaient ébranlé la Croix Gris-Nez lors de leur révélation, mais aussi suscité la « consternation » des associations d’aide aux migrants.
Les transcriptions des conversations montrent cependant que la Croix a contacté les garde-côtes britanniques à plusieurs reprises. « Nous sommes très divisés dans nos têtes, à la fois nous avons été très choqués d’apprendre ce qui aurait pu se dire quand les gens mouraient et en même temps (…) ces gens de Cross sont tellement sollicités et font un si beau travail , qu’on n’aurait pas porté plainte », a déclaré à l’AFP Claire Millot de l’association Salam.
Dix passeurs présumés, pour la plupart des Afghans, ont déjà été inculpés dans le cadre de l’enquête judiciaire.
Une enquête est également en cours outre-Manche. Les autorités britanniques ont annoncé fin novembre avoir arrêté un homme, « soupçonné d’être membre du groupe criminel organisé qui a comploté pour transporter les migrants vers le Royaume-Uni à bord d’un petit bateau ».
Ce drame avait fait monter la tension entre Paris et Londres. Mais sans décourager les candidats à l’Angleterre. Quelque 46 000 demandeurs d’asile ont traversé la Manche en 2022, majoritairement des Afghans, des Iraniens et des Albanais. Quelque 8 000 ont été secourus dans les eaux françaises.
Avec l’AFP
France 24