AAux Jeux olympiques comme aux Jeux paralympiques, ce qui compte évidemment, au-delà des performances des athlètes, c’est le classement des pays. On célèbre la réunion des peuples et des continents, mais on exacerbe la fibre nationaliste. En matière économique, c’est un peu la même chose : on vante (de moins en moins) les vertus du libre-échange, mais on ne perd pas de vue l’intérêt national, quel qu’en soit le coût économique. Et cette tendance prend de l’ampleur.
Cette rentrée est marquée par trois affaires qui le montrent encore. Les Japonais s’inquiètent de l’intérêt du groupe canadien Couche-Tard pour leur institution nationale, les magasins 7-Eleven. Le gouvernement est poussé à s’y opposer. En Allemagne, un autre monument attire les convoitises, le conglomérat Thyssen. Sa division sidérurgique doit être rachetée, à 50 %, par le Tchèque Daniel Kretinsky, mais la polémique prend de l’ampleur. Le 29 août, le président du conseil de surveillance du groupe, Sigmar Gabriel, ancien ministre et chef du parti social-démocrate, a démissionné avec fracas, tout comme le patron de la branche sidérurgique, Bernhard Osburg. Ils critiquent la gouvernance du groupe sur fond de plans de restructuration massifs.
Un cas emblématique
En Espagne, enfin, le rachat du champion des trains locaux a été bloqué in extremis par le gouvernement. Un cas emblématique. Talgo est une entreprise réputée, qui vend des trains régionaux et des TGV dans de nombreux pays. Mais cette entreprise, fondée en 1947 par José Luis Oriol, est aujourd’hui détenue majoritairement par des fonds d’investissement étrangers. Au premier rang desquels le groupe Trilantic, créé à New York par d’anciens banquiers de Lehman Brothers, qui en détient plus de 40 %.
Il semblerait que l’Amérique effraie moins le Premier ministre Pedro Sanchez que son partenaire au sein de l’Union européenne, Viktor Orban. Le consortium qui veut mettre la main sur le constructeur madrilène est en effet composé d’un collègue de Talgo, le groupe Magyar Vagon, soutenu par le fonds d’investissement Corvinus, détenu par l’Etat hongrois. Le gouvernement espagnol n’a pas expliqué sa décision. Mais les positions pro-russes de la Hongrie, ainsi que sa réputation de porte d’entrée des intérêts industriels chinois en Europe, ont sûrement joué un rôle.
Qu’ils soient sociaux, économiques ou politiques, les obstacles sont désormais innombrables sur la route du commerce doux. Et ce n’est pas la France, qui protège son constructeur ferroviaire Alstom et qui a interdit le rachat de Carrefour par le canadien Couche-Tard, qui dira le contraire. La médaille avant tout.