En Moselle, dans les églises de Georges-Henri Pingusson, un voyage entre béton et lumière

Les lieux de culte étaient l’angle mort du mouvement moderne. Ce mouvement qui a révolutionné l’architecture au début du XXe siècle^et siècle, s’appuyant sur les qualités du béton armé, a accompagné le basculement des sociétés occidentales vers l’ère des masses, portées par l’illusion qu’avec le progrès les hommes n’auraient bientôt plus besoin de Dieu.

Mais Dieu ne se laissa pas ensevelir facilement et des églises continuèrent à être construites ici et là, et ces commandes, si sporadiques soient-elles, fournirent souvent aux architectes des occasions de s’affranchir d’un certain nombre de dogmes. Les églises construites par Le Corbusier (1887-1965) à Ronchamp, en Haute-Saône (1955), ou à Firminy, dans la Loire (1973), en sont des exemples éloquents, puisqu’elles incarnent la rupture du pape du mouvement lui-même avec la religion de l’orthogonalité.

Georges-Henri Pingusson (1894-1978), l’un de ses brillants disciples, a lui aussi trouvé dans les lieux de culte un terrain fertile d’expérimentation, d’autant plus qu’il était catholique pratiquant. Nommé architecte en chef de la reconstruction en Sarre, puis en Moselle, après la Seconde Guerre mondiale, ce grand admirateur d’Alvar Aalto (1898-1976) s’est lui-même emparé de la situation de quatre petites églises détruites par les bombardements pour élaborer quatre projets hautement originaux.

Archipel religieux

Situées à Metz et ses environs, ces églises, que l’on peut découvrir lors d’un circuit en minibus lors des Journées européennes du patrimoine les 21 et 22 septembre, sont le point d’orgue d’une manifestation Pingusson qui sera également l’un des temps forts des Journées nationales de l’architecture (18, 19 et 20 octobre) et de la Biennale du réseau des maisons de l’architecture, dont la programmation a été initialement conçue (du 14 au 17 novembre) à Nancy et Metz.

Cet événement comprend également une exposition consacrée à l’œuvre de l’architecte (dérivée de celle qui s’est tenue à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris en 2018), qui permettra de resituer cet archipel religieux dans une œuvre prodigue dont les édifices les plus célèbres sont l’Hôtel Latitude 43 (1932) à Saint-Tropez (Var), véritable chef-d’œuvre du style « paquebot », et le Mémorial des martyrs de la déportation (1962), bunker englouti creusé dans le sol de l’île de la Cité à Paris.

Le Centre d’intervention et de secours (1965-1978) sera également ouvert aux visiteurs. Reconnaissable à sa tour de séchage, un bâtiment moderniste sculptural qui le démarque dans la ville, ce petit village fortifié situé au cœur de Metz a été construit autour d’une caserne de pompiers pour les héberger, eux et leurs familles. Il est aujourd’hui désaffecté, ses bâtiments sont très vétustes et la question de sa conservation fait débat, alors qu’un projet d’écoquartier doit être développé sur le site.

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