En procès, l’ex-patron des stupéfiants renvoie la balle au parquet

Ni “faussaire”, ni dissimulateur: l’ancien patron de la drogue François Thierry, jugé à Lyon pour détention fantôme, a vigoureusement défendu jeudi ses méthodes, insistant sur le fait qu’il avait agi “à la demande du parquet” de Paris.

“Je n’ai pas eu une seule seconde, et je n’ai toujours pas, le sentiment d’avoir commis un faux”, affirme-t-il au 4e jour de son procès devant le tribunal correctionnel du Rhône.

Pendant deux heures et demie, le commissaire de 56 ans à la carrure imposante alterne entre un ton didactique, combatif et parfois moqueur pour retracer le fil des événements qui l’ont conduit au banc des accusés.

En avril 2012, son principal informateur, un important trafiquant de cannabis du nom de Sophiane Hambli, le contacte depuis la prison de Nancy où il purge une longue peine. Il lui annonce qu’une livraison de drogue est attendue à Estepona, sur la Costa del Sol, et pense pouvoir connaître le lieu et l’heure.

François Thierry, alors chef de l’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocrtis), décide de l’extraire de prison pour lui permettre de passer des appels. Son objectif : traquer la marchandise et démanteler les réseaux de revente en France.

“J’ai contacté le parquet de Paris” et un magistrat de garde a demandé “une garde à vue si jamais” il arrivait quelque chose”, rapporte-t-il.

– “Grotesques” –

“Cette garde à vue m’énerve, elle me contraint dans des délais”, impose des formalités administratives, assure-t-il. Il respecte malgré tout ce “masque”, ce qui lui vaut désormais d’être poursuivi pour “faux par personne dépositaire de l’autorité publique”.

«Je n’ai pas l’impression de répondre à un ordre illégal», explique-t-il. “L’activité judiciaire sur la grande délinquance vous amène à des choses comme ça”, “des détails, ça nous arrive, pas avec une volonté intelligente…”

Problème : plusieurs magistrats sont passés à la barre des témoins et ont assuré qu’ils n’avaient pas eu toutes les informations, notamment ne pas avoir su que Sophiane Hambli logerait à l’hôtel et munie d’un téléphone.

“On a trouvé des magistrats en brochette qui ne se souviennent de rien”, ironise-t-il, affirmant n’avoir “rien caché”.

Certains, à commencer par l’ancien chef du parquet de Paris François Molins, l’ont néanmoins accusé d’avoir donné des informations “fragmentées”, “injustes”.

« C’est grotesque », rétorque le commissaire, « fatigué d’entendre » qu’il divise l’information.

– “Courage, fuyons” –

Jeudi, la police a resserré les rangs autour de l’accusé.

François Thierry est un « très grand professionnel, très impliqué, « avec beaucoup d’empathie et de camaraderie », raconte Bernard Petit, l’ancien chef de la police judiciaire de Paris, qui fut son supérieur.

C’est un homme d’une grande « justice », d’un « engagement exceptionnel », ajoute Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale (DGPN) tout juste retraité, appelé à la barre des témoins.

Il assure également que les policiers ont parfois « recours à des procédures fictives », « ce sont des pratiques que l’on peut regretter » mais « non isolées », poursuit-il en pointant du doigt les juges : « J’ai été tant de fois le témoin d’extensions fictives de garde à vue”, notamment pour ne pas déranger un magistrat dimanche.

Aujourd’hui, il « regrette » d’avoir réprimandé François Thierry dans cette affaire. « J’ai moi-même été un peu influencé par la pression médiatique… »

“Quand tout va bien, tout le monde veut être sur la photo”, dit-il, faisant référence aux éloges reçus par le patron de la drogue lorsqu’il effectuait de grosses saisies. « Dès que les choses se compliquent, prenez courage, fuyons ! »

Le verdict sera rendu vendredi.

François Thierry devra ensuite répondre de “complicité de trafic de drogue” dans une affaire connexe, qui concerne la saisie en 2015 en plein Paris de sept tonnes de résine de cannabis importées par Sophiane Hambli dans le cadre d’une “livraison surveillée” réalisée par Octrtis.

Le scandale a conduit à son remplacement en 2019 par l’Office de lutte contre les stupéfiants (Ofast).

chp-rs/mla/cbn

Anna

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