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entre Jordan Bardella et Valérie Hayer, un débat à couteaux tirés

Pour la première fois depuis le début de la campagne, les deux têtes de liste ont débattu, sans se ménager, pendant plus de deux heures jeudi soir. L’occasion, 38 jours avant l’élection, de comparer projet contre projet. Et de renouveler le clivage entre européistes et nationalistes.

C’était il y a sept ans. Le 3 mai 2017, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, tous deux qualifiés pour la première fois au second tour de l’élection présidentielle, croisent le fer dans un face-à-face sous haute tension. Le 2 mai 2024, en pleine campagne pour les élections européennes, Valérie Hayer et Jordan Bardella souhaitaient revoir le match de leurs aînés sur BFMTV. Même si les enjeux n’étaient évidemment pas les mêmes qu’à l’époque, la confrontation organisée jeudi soir visait avant tout à rétablir le clivage entre euro-mondialistes et eurosceptiques-nationalistes. Et ce, au moment où la tête de liste Raphaël Glucksmann grimpe dans les intentions de vote et menace de redéfinir ce nouveau paysage politique. Craignant un éventuel faux pas, les deux têtes de liste sont finalement restées dans leur voie.

D’autant que les enjeux n’étaient certainement pas les mêmes selon les équipes. Pour le candidat RN, qui participait à son tout premier débat depuis le début de la campagne, l’enjeu était de ne pas perdre ses points et son statut d’ultra-favori. Quant à la candidate de la majorité, challenger du vote selon les enquêtes d’opinion, elle a clairement joué de son mieux. C’est pourquoi la Mayennaise, qui “on ne peut pas se contenter d’un RN aussi haut dans les sondages” s’en est pris de plein fouet à son concurrent, accusé de “duplicité”dans « dire ce pour quoi il ne vote pas et (en) ne pas voter ce qu’il dit ». Une fouille à laquelle Jordan Bardella a immédiatement répondu. Il salua ironiquement le “courage” par Valérie Hayer, qui est “candidat alors que personne ne voulait porter les couleurs d’Emmanuel Macron.”

Redémoniser le RN

Rapidement, la question de la sécurité, malgré son éloignement des enjeux européens, fait l’objet de vifs échanges entre les deux candidats. Sur ce dossier, le ton est monté d’un cran avec l’évocation du meurtre de Matisse, 15 ans, par un mineur afghan la semaine dernière. Jordan Bardella a appelé « sortir du déni » face au phénomène d’ultraviolence, alimenté par « L’immigration (qui) est devenue le pire carburant de la violence de rue et de l’insécurité dans notre pays ». S’il décrit ce drame comme « fait social »et pas “information”Valérie Hayer comparée “la dignité d’un père”celle du jeune adolescent qui a écrit une lettre à son fils, pour « l’indignité d’un camp qui exploite les tragédies pour réaliser des profits politiques, qui exploite la colère et les peurs. »

Cherchant par tous les moyens à re-diaboliser son adversaire, la présidente du groupe « Renew » au Parlement européen a tiré la carte de Jean-Marie Le Pen : quel lien le parti nationaliste entretient-il aujourd’hui avec son fondateur controversé ? Dans cette optique, elle a appelé Jordan Bardella à se détacher de cet héritage, et à condamner “déshonorer” que l’homme de 95 ans était pour son « formation politique ». Ce que le leader nationaliste a refusé de faire, même s’il s’est écarté des propos « éminemment antisémite » de son lointain prédécesseur et ses condamnations en la matière. Malgré tout, Jordan Bardella a fustigé l’argument de son adversaire qui masquerait son manque de travail et de maîtrise des dossiers.

Si les deux prétendants se sont fortement défiés, ils se sont néanmoins retrouvés happés par les blocages pro-palestiniens qui ont ébranlé plusieurs universités et notamment Sciences Po ces derniers jours. D’un côté, l’eurodéputé de 28 ans a accusé certains manifestants de ne pas être « pour la défense de la Palestine »mais en « l’antisémitisme le plus grossier ». En revanche, Valérie Hayer se disait “choqué par ce qui se passe”. « Sciences Po n’est pas une école américaine, c’est une école de la République, de France. Nous n’importons pas les débats américains ». Sans surprise, le salon a ensuite été marqué par des joutes assez techniques sur le pouvoir d’achat, le marché européen de l’énergie ou encore les questions agricoles. Au risque de perdre quelques téléspectateurs sur les votes des uns et des autres à Strasbourg.

L’Ukraine, sujet inflammable

Sujet de toutes les tensions, l’Ukraine a alors cristallisé une bonne partie du dialogue. Alors que le RN fait régulièrement l’objet d’un procès pour « putinophilie », Valérie Hayer a visé son adversaire pour avoir inscrit Thierry Mariani sur sa liste malgré son prisme russe. Et de ne pas être allée en Ukraine, contrairement à elle. L’occasion de rappeler l’opposition, à travers ses votes, de Jordan Bardella à soutenir Kiev, et l’absence de condamnation des conditions de détention de l’opposant russe d’Alexeï Navalny. Sauf après sa mort. « La guerre est grave, ce ne sont pas des résolutions votées dans le confort d’un hémicycle », a répondu l’eurodéputé. Qui s’est alors moqué du déplacement de son concurrent : “Va te faire prendre en photo” en Ukraine, au milieu de la campagne européenne, et publier ces images sur les réseaux sociaux, cela ne va pas “changer n’importe quoi”.

Accusé d’être proche des positions russes, le président du RN a affirmé, de manière très surprenante, et pièce à l’appui, que l’ALDE (l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe), une branche du groupe « Renew », auquel appartient Valérie Hayer appartient, ont été financés par Microsoft, Amazon, Meta. “Je ne reçois pas de financement des grandes entreprises américaines”il a insisté, expliquant qu’il était “complètement gratuit” de toute ingérence étrangère. Une information totalement démentie par le centriste.

Après avoir évoqué, de manière très dogmatique, la question migratoire, le macroniste a réservé une surprise à Jordan Bardella. Devant les caméras, Valérie Hayer a montré une photo de sa concurrente, datée de décembre 2023, entourée de ses partenaires nationalistes en Europe. Avant de détailler les positions polémiques de ce dernier pour mieux mettre Jordan Bardella en porte-à-faux. « N’avez-vous pas honte d’avoir ces alliés ? » se moqua-t-elle.

La réponse du répondant a été rapide : « Pour la présidence du Parlement européen, vous avez voté pour Roberta Metsola qui a des positions très dures sur l’avortement. Et d’ajouter : « Cela ne vous dérangeait pas de voter pour elle. J’ai l’impression que vous vous indignez face à la géométrie variable. Quelles que soient les attaques, à l’image de la dernière pique de Valérie Hayer reprenant la vieille comparaison RN entre Jordan Bardella et Didier Raoult, chacun a renforcé son assise électorale. Les deux camps sont repartis satisfaits. Comme le montre la réaction de Marine Le Pen, félicitant sa dauphine sur X : “Notre candidat a complètement fait l’impasse sur le débat (…) face à la logorrhée des éléments de langage indigents de Valérie Hayer.”

Anna

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