CComment décririez-vous le bilan d’Eric Dupond-Moretti à la tête du ministère de la Justice ? D’un côté, il a été un ministre de la Justice d’une longévité devenue rare à ce poste (un peu plus de quatre ans), il a mis en œuvre une politique de recrutement sans précédent (notamment de magistrats et de greffiers) et a augmenté le budget de la justice de manière inédite. M. Dupond-Moretti a également privilégié une politique amiable en matière civile, et renforcé la lutte contre les violences conjugales en place.
En revanche, il n’a pas résolu le problème de la surpopulation carcérale et n’a pas fait aboutir une grande réforme symbolique portant son nom. Eric Dupond-Moretti ne veut pas qu’on se souvienne seulement de lui pour les augmentations budgétaires et préfère mettre en avant la constitutionnalisation de la liberté de la presse. l’interruption volontaire de grossesse (IVG) – même si le projet de loi constitutionnel a été notamment soutenu par l’opposition de gauche –, les augmentations pour le personnel pénitentiaire ou encore l’adoption du Code de justice pénale pour les mineurs.
Lors de sa nomination en juillet 2020, il était une recrue vedette d’Emmanuel Macron. Avocat célèbre, médiatique et plutôt à gauche, il devait « incarner » le rôle. Sa prédécesseure, Nicole Belloubet, appréciée de la justice, avait su nouer un dialogue avec les différents représentants syndicaux, mais s’était montrée discrète d’un point de vue politique.
L’Assemblée Générale 2021
Dès sa prise de fonction, les observateurs ont vu que M. Dupond-Moretti aurait un mandat à nul autre pareil. La présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM, majorité) de l’époque, Céline Parisot, estimait que la nomination de l’avocat de référence était une « déclaration de guerre ». Cela donne le ton : les relations avec les syndicats de magistrats, notamment les deux principaux, l’USM et le Syndicat des magistrats (SM, gauche), vont être exécrables. Elles finiront, plus ou moins, par revenir à la normale.
Lors de son investiture, le tout nouveau ministre de la Justice l’a assuré : il voulait mener à bien la réforme du parquet, et ouvrir la profession de magistrat à la société. Si la réforme du parquet n’était pas menée, Eric Dupond-Moretti était obligé de s’attaquer, même si ce n’est pas son penchant naturel, à la «dialogue et consultation»malgré l’hostilité mutuelle avec certains magistrats.
Il n’avait pas le choix : en novembre 2021, à l’occasion du lancement des États généraux de la justice, la « Tribune des 3 000 », publiée dans le Mondedénonce les conditions de travail des magistrats et des greffiers, la pression constante, le manque de moyens, le sous-effectif chronique et « une perte de sens »L’urgence est là, le malaise général est profond. Et les États généraux doivent y répondre.
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