- Éric Manigaud
Galerie Sator
Eric Manigaud poursuit inexorablement son travail d’archiviste du XXe siècle selon sa démarche, non moins inexorable : agrandir en dessinant des photographies qui montrent la réalité ordinaire de l’histoire contemporaine. Ici, il s’agit de la colonisation de l’Afrique. Dans les archives du Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren (Belgique) et dans sa collection de cartes postales, il a pris des vues de l’exploitation du Congo par la Belgique du roi Léopold II et par la France du IIIe République. Ce qu’ils montrent est le plus souvent abominable. Ce sont des portraits de groupes d’hommes razziés et enchaînés comme des chiens, contraints de saluer le drapeau de leurs bourreaux, et d’autres de femmes et d’hommes dont les mains ont été coupées pour les punir de ne pas avoir assez travaillé. vite à la récolte du caoutchouc ; et des panoramas du chantier de construction du chemin de fer Congo-Océan, qui tua des milliers d’hommes forcés d’y travailler, et des cortèges de porteurs. Redessinées à la mine de plomb sur papier, ces images de cendres sont d’autant plus efficaces que Manigaud n’y apporte aucune modification, si ce n’est celle du format. Ils disent simplement : voici ce qui s’est passé.
« Ceux qui creusent ». Galerie Sator, 43, rue de la Commune-de-Paris, Romainville (Seine-Saint-Denis). Jusqu’au 22 juillet. Du mercredi au samedi de 10h à 18h Galeriesator.com
- Grisaille Vertige
Galerie Jocelyne Wolff
Rareté : une exposition dans une galerie qui réunit des œuvres anciennes et actuelles autour d’un sujet commun, la grisaille, l’art de peindre sans utiliser d’autre couleur que des nuances de gris, du plus clair au plus foncé. Cette pratique de la frustration est étudiée par l’historien de l’art François-René Martin dans une quarantaine de pièces sur verre, toile, bois ou pierre, du 16e siècle de Bernard van Orley à Miriam Cahn, dont de nombreuses œuvres anonymes. Fragments de vitraux, panneaux de retable, peintures flamandes et italiennes montrent comment l’absence de chromatisme oblige le regard à être plus attentif pour tout voir et tout comprendre, qu’il s’agisse d’un sujet religieux ou profane. Les exercices de trompe-l’œil ne manquent pas non plus, portrait d’homme par Louis-Léopold Boilly peint à l’huile à l’imitation d’un dessin ou frise de Piat Joseph Sauvage simulant un bas-relief en marbre. D’autres imitent la gravure, avec autant de virtuosité. Parmi les vivants se distinguent deux œuvres créées pour l’occasion, une toile de Marc Desgrandchamps, énigmatique et silencieuse, et une machine complexe de Francisco Tropa, dont les panneaux s’ouvrent sur le spectre en grisaille sur verre d’une toile de Van Gogh – le peintre de couleur à son apogée, prise ici à l’envers.
Il vous reste 6,64% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.
Lemonde Arts