Après 18 mois d’escalade nucléaire, les Européens ont décidé, malgré les réticences américaines, de soumettre une résolution condamnant le manque de coopération de l’Iran au Conseil des gouverneurs de l’AIEA, qui s’ouvre lundi à Vienne.
Des diplomates interrogés par l’AFP évoquent “l’urgence de réagir face à la gravité de la situation”.
Car si Téhéran dément vouloir se doter de la bombe, son programme ne cesse de monter en puissance.
Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, c’est le seul pays non équipé d’armes atomiques à enrichir l’uranium à hauteur de 60 % et à accumuler des stocks toujours croissants.
Ce seuil est proche des 90 % nécessaires pour fabriquer une bombe et se situe bien au-dessus du plafond autorisé de 3,67 %, soit l’équivalent de ce qui est utilisé pour la production d’électricité.
Malgré cette situation encore impensable jusqu’à récemment, le Conseil des gouverneurs de l’organisme onusien, composé de 35 pays membres, n’a pas présenté de résolution depuis novembre 2022.
Lors de la dernière réunion en mars, Londres, Paris et Berlin (E3) avaient préparé un texte avant d’abandonner faute de soutien de Washington.
Si les États-Unis démentent officiellement tout ralentissement des efforts de leurs alliés européens, ils craignent qu’une telle action n’attise les tensions géopolitiques actuelles au Moyen-Orient, notamment à l’approche de l’élection présidentielle de novembre.
– “Indispensable et urgent” –
Une politique qui n’est plus tenable au vu de l’escalade, estiment les mêmes sources diplomatiques, ajoutant que “la position américaine pourrait évoluer” d’ici le vote prévu plus tard dans la semaine.
Les relations entre l’Iran et l’AIEA se sont considérablement détériorées et l’organisme onusien peine désormais à garantir « le caractère exclusivement pacifique » du programme nucléaire.
Son directeur général Rafael Grossi s’y est rendu début mai pour renouer le dialogue, exigeant “des résultats concrets le plus rapidement possible”. Mais entre-temps, le décès du président Ebrahim Raïssi a mis les discussions entre parenthèses.
Un faux prétexte, selon deux diplomates, pour qui il est temps d’accentuer la pression sur l’Iran.
La résolution obtenue par l’AFP aborde tous les points de discorde.
Tout d’abord, la présence de traces inexpliquées d’uranium sur deux sites non déclarés. « Il est essentiel et urgent » que Téhéran fournisse des raisons « techniquement crédibles », insiste le texte. A ce sujet, “un rapport complet” pourrait être demandé à M. Grossi.
L’Iran doit également « annuler le retrait de l’accréditation » de certains de ses inspecteurs les plus expérimentés, et rebrancher les caméras de surveillance « sans délai ».
Le document note également des « inquiétudes » concernant « les récentes déclarations publiques en Iran sur les capacités techniques du pays à produire des armes nucléaires et les changements possibles dans la doctrine nucléaire ».
– “Reprenez le jeu” –
La République islamique s’est progressivement affranchie des engagements pris dans le cadre de l’accord international de 2015 conclu avec les Etats-Unis, la Chine, la Russie, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Ce pacte connu sous l’acronyme JCPOA était censé réguler ses activités atomiques en échange d’une levée des sanctions internationales.
Mais il a volé en éclats après le retrait américain décidé en 2018 par le président de l’époque, Donald Trump. Les discussions à Vienne pour le relancer ont échoué à l’été 2022.
A travers cette initiative, les Européens “montrent qu’ils rentrent dans le jeu” et “ne se laissent pas tromper” par les intentions iraniennes, commente auprès de l’AFP Héloïse Fayet, chercheuse au Centre d’études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri). .
Les Etats-Unis préfèrent “ne pas jeter de l’huile sur le feu”, au moment où le Moyen-Orient est secoué par la guerre dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas palestinien, allié de la République islamique.
Selon Mme Fayet, “il aurait peut-être mieux valu attendre que le système politique iranien soit stabilisé”, avec l’élection d’un nouveau président le 28 juin.
Pour la Russie, qui s’est sensiblement rapprochée de l’Iran ces deux dernières années, cette “résolution anti-iranienne (…) ne peut qu’aggraver la situation”, a prévenu dimanche X à Vienne son ambassadeur auprès des organisations internationales, Mikhaïl Oulianov.
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