Le Nord-du-Québec ne connaît pas de répit. Mardi soir, c’était au tour des résidents de Chibougamau de boucler rapidement leurs valises, de récupérer les enfants endormis et d’entreprendre un périple de centaines de kilomètres pour trouver refuge au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
La plus grande ville de la Jamésie a connu une émeute mardi soir lorsque le maire a décrété l’état d’urgence et annoncé l’évacuation de 7 500 habitants, dont ceux de la zone de villégiature.
« Nous avons eu un avis de la SOPFEU [indiquant] que le feu a avancé beaucoup plus vite qu’on ne l’aurait pensé », a déclaré le maire d’un ton calme dans une vidéo Facebook diffusée en début de soirée.
« Nous avons le temps, cependant. Nous vous demandons d’être prudent et de partir avec le minimum de vos affaires », a-t-elle ajouté.
Maxime Lavoie et sa famille se disent interloqués par l’annonce de la mairesse, d’autant plus que quelques heures plus tôt, dans la matinée, elle avait annoncé qu’un pare-feu était sur le point d’être installé. autour de Chibougamau.
« Nous savions que cela pouvait arriver. Dernièrement, il y a eu une évacuation à Chapais, et ce n’est pas si loin. Mais il n’y avait aucun sentiment d’urgence ici. On est passé de pas de panique le matin à une évacuation le soir », raconte ce père de trois enfants, dont un bébé de deux semaines. Lorsque l’avis d’évacuation a été émis, les trois petits dormaient profondément.
« Nous avons pris le minimum, des vêtements et un peu de nourriture, car la route pouvait être longue. Tout le monde doit évacuer par le même chemin », explique sa conjointe Audrey Hamelin alors qu’elle tente de quitter la ville par la route 167 avec sa famille. Elle envisage de se réfugier en famille à Alma.
Pour faciliter l’évacuation de ceux qui n’ont pas de véhicule, la ville a nolisé des autobus qui partiront de l’aréna de Chibougamau. L’aréna de Roberval, à 255 kilomètres, a également été transformé en refuge d’urgence. La mairesse Manon Cyr dit avoir parlé au maire de Roberval. « Il attend les gens de Chibougamau », dit-elle.
Vague de solidarité à Roberval
L’annonce de Chibougamau a rapidement fait réagir. À Roberval, les propositions d’hébergement et d’accompagnement affluent sur les réseaux sociaux.
C’est le cas de Stéphane Bouchard, un habitant de Métabetchouan, une ville située à une trentaine de kilomètres de Roberval, sur les rives du lac Saint-Jean. « Ce qui se passe est catastrophique, confie-t-il au téléphone. Ces gens ne voulaient pas ça. Moi, quand j’ai vu [l’avis d’évacuation], je me suis tout de suite offert. C’est la moindre des choses. »
Le père de famille offrait des chambres, mais aussi de l’espace pour les animaux de la ferme et pour camper, si nécessaire. « J’ai une famille qui m’a dit que s’ils ne trouvaient rien à Roberval, ils viendraient », dit-il. Je vais laisser mon téléphone ouvert toute la nuit. Je suis prêt si quelqu’un en a besoin. »
Chapais en alerte pré-évacuation
La communauté crie d’Oujé-Bougoumou, qui compte 900 personnes, a également été évacuée mardi soir. Elle est située à environ 30 kilomètres à l’ouest de Chibougamau et à 10 kilomètres au nord de Chapais.
À 20 h 30, la municipalité de Chapais, également dans le Nord-du-Québec, est passée en « alerte pré-évacuation ». « Nous demandons aux citoyens d’être prêts. Entre autres : préparez une valise pour quelques jours, ayez sous la main vos médicaments et ordonnances, assurez-vous d’avoir de l’essence dans votre voiture, et surtout, PAS DE PANIQUE », indique la commune de 1600 habitants sur sa page Facebook.
La publication précise que Chapais n’est pas en danger immédiat puisque l’incendie qui prend sa source au nord de Mistissini est encore à plusieurs kilomètres de la ville. La municipalité demande également aux citoyens de libérer la route pour les résidents de Chibougamau et de la communauté d’Oujé-Bougoumou qui doivent quitter leur région de toute urgence.
Environ la moitié des résidents de Chapais ont été évacués pendant plusieurs jours la semaine dernière en raison des incendies.
« C’est très stressant, raconte Daniel Harvey, habitant de Chapais depuis à peine un mois. Il s’attend à recevoir l’avis d’évacuation mercredi matin. « J’ai quatre enfants », ajoute-t-il. J’ai tout le kit à sortir pour chaque enfant, les papiers, les disques durs, les photos. On ne sait pas ce qui va se passer, alors il faut faire comme si, à notre retour, tout allait s’embraser. »
Le soir, il est allé faire le plein pour voir la file d’attente. « On voit dans les rues que tout le monde se prépare, décrit-il. Et le ciel était jaune, jaune, jaune ici aujourd’hui [à cause de la fumée]. C’est apocalyptique. »
« Nous suivons la situation de près »
Le premier ministre François Legault a également publié un message sur Twitter vers 20 h 50 demandant aux évacués de garder espoir. « La situation des feux de forêt évolue rapidement, particulièrement pour Lebel-sur-Quévillon, Oujé-Bougoumou, Chibougamau et Mistissini. Nous suivons la situation de près. On fera le point demain matin avec François Bonnardel [ministre de la Sécurité publique] et Maïté Vézina [ministre des Ressources naturelles et des Forêts]. Courage aux citoyens concernés. »
« Nous évacuons actuellement Chibougamau et Oujé-Bougoumou, a également tweeté M. Bonnardel. Veuillez suivre les instructions émises par les autorités. Toutes nos pensées vont aux citoyens concernés. »
La députée d’Abitibi–Baie-James–Nunavik–Eeyou, Sylvie Bérubé, a publié un message sur les réseaux sociaux en soutien aux évacués. « Nous pensons à vous tous qui devez partir ! Courage et espoir. À la mairesse Manon Cyr, ce n’est pas facile de traverser ça, mais c’est la vie qui compte le plus! Solidarité! Il en est de même pour les communautés d’Oujé-Bougoumou et du chef Curtis Bosum ainsi que celle de Mistissini et du chef Petawabano, le courage puisque la vie est la plus importante ! »
Ailleurs au Québec
Mardi, les autorités ont jugé que les trois incendies autour de Sept-Îles, sur la Côte-Nord, ne représentaient plus un danger. Les habitants qui avaient quitté leur domicile vendredi ont ainsi été autorisés à regagner leur domicile.
« Le combat est loin d’être terminé. Le feu de la rivière Moisie Nipissis est toujours important et actif. Il pourrait le rester pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, ce qui signifie que nous pourrions être obligés d’évacuer à nouveau certains secteurs », a déclaré Steeve Beaupré, maire de Sept-Îles.
De passage dans cette ville, François Legault est revenu sur ses propos de la veille : le village forestier de Clova, situé en Haute-Mauricie, n’a pas brûlé. «Ce que la SOPFEU nous dit, c’est que le feu est trop intense pour avoir des avions là-bas. Mais on nous dit que pour l’instant, les maisons ne sont pas touchées », a-t-il dit.
Du côté de Lebel-sur-Quévillon, en Jamésie, les deux feux de forêt les plus menaçants ne se sont pas approchés de la ville du jour au lendemain de lundi à mardi, a annoncé le maire Guy Lafrenière. Cependant, les 2 000 habitants n’ont pas reçu l’autorisation de rentrer chez eux.
Lors de sa conférence de presse, le Premier ministre a également affirmé que son gouvernement étudiait la possibilité de mettre en place un programme d’indemnisation des personnes déplacées à long terme.
Avec Charles Lecavalier, La presse
canada-lapresse