« Focus Friday » : les entreprises américaines libèrent la charge mentale de leurs salariés… pour rendre le vendredi enfin productif

Une journée sans réunions, rendez-vous, entretiens ou notifications, pour rattraper son retard et tout finir tranquillement avant le week-end. C’est l’objectif du « Focus Friday », un concept qui séduit de plus en plus d’entreprises américaines comme Google ou Slack et fait plaisir aux salariés.

Dans le premier cas, le début de la semaine est consacré aux réunions et au brainstorming, tandis que le vendredi est consacré au « deep focus ». « On sait que les réunions ont lieu principalement les mercredis et jeudis, jours obligatoires en présentiel, et que le week-end est axé sur la productivité. Nous trouvons plus facile de nous concentrer lorsque nous ne sommes pas sollicités et interrompus. » explique Holly*(le prénom a été modifié), 35 ans, manager chez Google.

Même constat chez Slack : « Ça change tout ! » commente John*, 32 ans, développeur. «Ça structure les semaines. Nous optimisons mieux notre temps et notre énergie. Nous ne nous éparpillons pas trop, nous avons un cadre. Et surtout, on ne termine pas la semaine dans le stress, dans la précipitation. »

Une augmentation du bien-être

Mais ce « Focus Friday » a aussi un enjeu de bien-être : “On commence son week-end beaucoup plus détendu, notamment parce qu’on a le temps d’avancer, voire de finir ce qu’on a à faire”, confirme Holly. Ce qui augmente le sentiment de satisfaction personnelle et l’estime de soi. « Cela permet d’alléger la charge mentale et de mieux gérer la transition travail-week-end. C’est bon pour l’équilibre travail-vie personnelle.

Le pari des entreprises pour augmenter leur rentabilité

« Focus Friday » est en fait une opportunité d’augmenter la productivité du vendredi. Car selon plusieurs études, dont une récente de la Texas A&M School of Public Health (2023), il s’agit bien du jour le moins productif de la semaine. Les chercheurs, qui ont étudié le comportement de 789 employés de bureau pendant 2 ans, affirment que “Le nombre de tâches exécutées par les ouvriers augmente régulièrement du lundi au mercredi, puis diminue le jeudi et surtout le vendredi.” Une tendance qui s’explique en partie par la fatigue, le stress et la lassitude accumulés les jours précédents, ainsi que par la perspective du week-end qui approche.

« Avec Focus Friday, nous favorisons des modes de collaboration plus asynchrones, une gestion des réunions plus efficace et libérons plus de temps à consacrer au travail. » explique Stewart Butterfield, PDG et fondateur de Slack, dans un communiqué. Selon l’entreprise, Focus Friday s’est avéré « bénéfique » pour 84 % de ses salariés.

Le multitâche, un enfer pour le cerveau humain

John est l’un d’entre eux. «Avant, j’étais très souvent en surcharge mentale» se souvient le trentenaire, qui travaille chez Slack depuis 6 mois. « A force d’être inondés d’emails et de notifications, de réunions et de rendez-vous en pleine journée, à tout moment de la semaine, les collaborateurs sont toujours interrompus, dérangés et flous. Ils sont distraits, fatigués d’essayer d’effectuer plusieurs tâches à la fois et terminent la semaine à genoux, ayant parfois l’impression de ne pas être assez bons. »

Cependant, il a été démontré scientifiquement à plusieurs reprises que le « multitâche » (faire plusieurs choses à la fois) nuit gravement à la productivité et au bien-être. Notamment parce que notre cerveau est incapable de faire plusieurs choses en même temps. Lorsque nous avons l’impression de faire cela, nous déplaçons en fait rapidement notre attention d’une chose à une autre, ce qui entraîne à terme de la fatigue, une perte de concentration, de motivation et donc d’efficacité.

“En fait, Focus Friday est simplement une configuration de travail plus adaptée à nos capacités cérébrales”, John souligne. « Je ne pourrai pas travailler autrement… Et je ne pense pas que quiconque devrait travailler autrement. » »

Les avantages et inconvénients de Focus Friday

Certaines entreprises américaines ont mis en place ce modèle de travail d’autres jours de la semaine. “Nous avons le mercredi” explique Thomas*, 41 ans, data analyst dans une start-up. « C’est agréable d’avoir une journée pour se concentrer exclusivement sur nos tâches sans être interrompu. Mais on n’a pas ce sentiment de satisfaction d’avoir tout bouclé avant le week-end, ce qui, j’imagine, facilite la déconnexion. »

Impossible de savoir combien d’entreprises américaines ont adopté Focus Friday, ni même si l’initiative s’est étendue à d’autres continents. Mais cette pratique fait de plus en plus parler d’elle. Seul problème – il devait y en avoir un – le manque d’interaction rend plus difficile l’entraide le vendredi, ce qui peut s’avérer stressant en cas d’imprévu. « Quand on a une urgence, c’est plus difficile d’avoir une réponse car chacun est dans sa bulle, concentré sur son travail. » Holly reconnaît. « Vous pouvez toujours contacter vos managers en cas de besoin, mais c’est vrai que c’est plus léger » John confirme. “Au Focus Friday, nous ne sommes pas aussi réactifs que les autres jours.”