Un nouveau programme québécois visant à augmenter les dons aux fondations des cégeps inquiète. La Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ) craint d’ouvrir la porte au financement privé du réseau collégial et d’engager les cégeps dans une « course aux dons ».
Posté à 5h00
La fédération syndicale reproche à Québec de « faire pression » sur les fondations des cégeps avec son programme Placements au cégepmis en place discrètement à la rentrée.
La mesure comporte deux volets principaux : pour chaque dollar amassé en moyenne par les fondations au cours des cinq dernières années, Québec leur versera de 0,50 $ à 1 $, selon la taille des établissements.
Les sommes investies permettront également aux fondations de se doter d’une structure administrative pour « intensifier leurs activités de sollicitation », indique le régime budgétaire et financier des cégeps 2022-2023.
Une enveloppe de 5 millions est prévue pour le déploiement du programme en 2022-2023. Au total, 45 millions y seront injectés d’ici 2026-2027.
L’objectif de la mesure : augmenter les dons des particuliers et des entreprises afin de « soutenir la persévérance et la réussite des cégépiens ».
Cependant, « ce n’est pas par charité qu’il faut faire ça », estime Yves de Repentigny, vice-président du groupe CEGEP de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ).
On privatise en quelque sorte le financement d’une mission première des cégeps [qu’est le soutien à la réussite scolaire].
Yves de Repentigny, vice-président du groupe FNEEQ CEGEP
M. de Repentigny craint que la mesure, qui s’inspire d’un programme similaire mis en place pour les universités, n’ouvre la porte à la « marchandisation » du réseau collégial et n’engage les cégeps dans une « course aux dons ».
La Fédération n’est pas « contre les fondations », souligne son président, mais ce programme « pervertit leur mission ». Selon lui, le gouvernement « se déresponsabilise de sa mission d’assurer un financement adéquat des collèges ».
Un programme positif, selon la Fédération des cégeps
Ce programme était une demande de longue date de la Fédération des cégeps, qui n’y voit «que du positif», plaide son président, Bernard Tremblay.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES DE PRESSE
Bernard Tremblay, président de la Fédération des cégeps
Ces investissements sont « complémentaires aux financements publics, et non substitutifs », précise-t-il.
Les fondations collégiales « sont là essentiellement pour soutenir les besoins des étudiants » : en plus de financer des projets ou des initiatives, elles octroient des bourses, souligne M. Tremblay.
Nous croyons fermement à l’idée que les cégeps devraient avoir la capacité de faire des choix qui correspondent à leurs besoins.
Bernard Tremblay, président de la Fédération des cégeps
De son côté, la Fédération étudiante du collégial du Québec (FECQ) soulève certaines inquiétudes quant au programme.
« Pourquoi en sommes-nous à un stade où nous avons besoin de ces fondations pour offrir des conditions adéquates aux étudiants ? demande Maya Labrosse, présidente de la FECQ.
Une augmentation du financement public des cégeps serait plus équitable, juge-t-elle.
Pas d’iniquité, assure Québec
Pour éviter les iniquités, Québec prévoit verser plus d’argent aux fondations des petits cégeps par dollar amassé qu’à celles des grands cégeps.
Par exemple, la Fondation du Cégep Édouard-Montpetit a déclaré des revenus (dons et financement gouvernemental) de plus de 1 150 000 $ en 2021, selon le Registre des organismes de bienfaisance de l’Agence du revenu du Canada. En comparaison, la Fondation du Cégep à L’Assomption a enregistré des revenus de 244 000 $ la même année.

Québec s’est assuré « que les sommes accordées aux établissements soient réparties équitablement », indique le porte-parole du ministère de l’Enseignement supérieur, Bryan St-Louis.
Le Ministère tient également compte de la moyenne quinquennale des dons pour allouer l’enveloppe budgétaire disponible.
Bryan St-Louis, porte-parole du ministère de l’Enseignement supérieur
Les cégeps devront également communiquer au Ministère le nombre d’étudiants ayant reçu un soutien financier et le montant total alloué par la fondation.
De plus, le Regroupement des fondations collégiales, qui compte 40 membres, a été créé afin de coordonner leurs actions et d’éviter la concurrence, ajoute Bernard Tremblay.
Les partis divisés
« Le rôle des Fondations n’est pas de se substituer au financement de l’État. On parle d’une mesure qui appuie la mission des fondations du réseau collégial et les aide», a insisté l’attachée de presse de la Coalition avenir Québec Nadia Talbot.
Chez les libéraux, Dominique Anglade ne se dit pas opposé au principe d’un programme de contrepartie des dons faits aux fondations des collèges pour attirer davantage de dons, à condition que « cela ne donne en aucun cas prétexte à un désengagement de l’Etat vers le financement de nos institutions collégiales ».
Les députés péquistes s’inquiètent de la mesure. « Quant aux universités, l’intention est bonne, mais les impacts sont qu’elle défavorise les établissements francophones et ceux des régions, puisqu’ils n’ont pas la même capacité à solliciter des dons », observe le candidat dans Jean-Talon, Gabriel Coulombe. .
Le député solidaire sortant d’Hochelaga-Maisonneuve, Alexandre Leduc, dit aussi « partager les inquiétudes des enseignants ».
La dernière chose que nous devrions espérer, c’est que nos cégeps deviennent comme des universités américaines qui dépendent des dons pour offrir leurs services.
Alexandre Leduc, député sortant de Québec solidaire
« Si nos cégeps ont besoin de financement, ils ne doivent pas mendier auprès du privé, il faut les soutenir », poursuit-il.
Le Parti conservateur du Québec n’a pas répondu à nos questions.
Apprendre encore plus
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- La Fédération des cégeps compte 48 membres.
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