L’effet fondateur constaté dans certaines régions du Québec, qui pourrait, par exemple, rendre leurs habitants plus susceptibles de souffrir de maladies génétiques rares, découle du fait qu’elles ont été fondées par des populations déjà apparentées, démontre une nouvelle étude menée par Québec des chercheurs.
Il y a, en fait, plusieurs effets fondateurs à travers la province, a expliqué l’auteur principal de l’étude, le chercheur Simon Gravel, de l’Université McGill.
Par exemple, on retrouve au Saguenay–Lac-Saint-Jean l’un des effets fondateurs les plus connus au Québec. En combinant des données généalogiques d’une richesse inégalée (et attribuables notamment aux fichiers de l’Église catholique) aux bases de données génétiques CARTaGENE et Genizon, M. Gravel et ses collègues ont constaté que la région était majoritairement peuplée de colons arrivés de la région de Charlevoix.
Ces colons s’étaient eux-mêmes déplacés de Québec à Baie-Saint-Paul pour exploiter les riches terres arables créées par l’impact d’un astéroïde il y a des millions d’années. Lorsque la pression démographique devient insoutenable dans la région de Charlevoix, les colons partent pour le Saguenay, puis pour le Lac-Saint-Jean.
« Les gens qui sont arrivés au Québec s’entendaient relativement bien, dit Simon Gravel. Mais ensuite, il y a un nombre relativement restreint d’individus qui sont allés fonder chacune des régions du Québec. »
C’est ce qui s’est passé en Beauce, une région colonisée par des gens qui suivaient le cours de la rivière Chaudière.
De plus, écrivent les chercheurs, les données génétiques et généalogiques soutiennent l’hypothèse selon laquelle la géographie, et en particulier les rivières et les montagnes, ont joué un rôle majeur dans la mise en place des principaux axes de migration et de variation génétique.
L’Abitibi-Témiscamingue, quant à elle, s’est développée par des gens de partout dans la province, ce qui a diversifié le bassin génétique. On observe donc un moindre effet fondateur, a expliqué M. Gravel.
« Généralement, les généticiens des populations ont des modèles théoriques abstraits », a déclaré Gravel. Il n’est jamais arrivé dans le passé que vous puissiez créer un modèle, vous pouviez le voir, vous aviez une généalogie, vous pouviez tracer chaque ligne… Fondamentalement, nous sommes capables d’avoir cette espèce de cartographie génétique des populations à plus haute résolution que jamais ( avant). »
L’ascendance de la plupart des Québécois remonte à 8 500 colons qui ont immigré de France au 17e et 18e des siècles. Des études antérieures, menées notamment par le professeur Gérard Bouchard, avaient révélé que les 2 600 premiers colons français contribuaient aux deux tiers du patrimoine génétique franco-québécois.
M. Gravel et ses collègues ont donc voulu savoir si l’effet fondateur avait été « importé » par quelques colons français, ou s’il était apparu au fur et à mesure que la population augmentait et se déplaçait. C’est la deuxième hypothèse qui s’est avérée la bonne, ce qui explique notamment pourquoi on retrouve des effets fondateurs à l’échelle du Québec.
Environ 500 000 Québécois sont touchés par une maladie rare. Pour ne citer qu’un exemple, le syndrome de chylomicronémie familiale touche environ une personne sur un million dans le monde, mais est légèrement plus fréquent dans les régions du Saguenay et de Charlevoix. Les patients atteints sont incapables de décomposer les graisses circulant dans leur sang.
Le Québec était peut-être le meilleur endroit au monde pour mener une telle étude, en raison de la richesse des données généalogiques et génétiques dont disposaient les chercheurs. Le modèle développé par M. Gravel et ses collègues fait aussi des jaloux partout dans le monde.
«Quand j’en ai parlé lors d’une conférence, on m’a demandé si je devais vendre un rein pour avoir accès à des données comme ça, elles sont tellement uniques et incroyables», raconte en riant le chercheur québécois. .
Cette étude, dont les conclusions sont publiées par la prestigieuse revue Sciencepourrait un jour permettre d’identifier les mutations génétiques responsables de certaines maladies rares.
En comprenant mieux comment les gens sont liés les uns aux autres, a expliqué M. Gravel, on pourrait se rendre compte que les patients partagent la même mutation génétique, et qu’elle est donc susceptible d’être en faute. Les cliniciens peuvent alors travailler sur un traitement.
Cette étude pourrait également faciliter le dépistage. Si on veut mieux mesurer la distribution d’une maladie rare au Québec, on pourrait utiliser « ce genre de modèle mathématique pour dire que selon l’historique de la transmission de cette mutation, on s’attendrait à trouver le Saguenay, Charlevoix et la Beauce, pour exemple », a conclu M. Gravel.
canada-lapresse