Harkis : le souvenir douloureux du camp de Bias

Du camp de Bias, il ne reste presque rien, juste deux terrains vagues, quelques pavillons et des bâtiments administratifs de chaque côté de l’entrée. C’est de ce camp qu’est partie, en 1975, la révolte qui a conduit au démantèlement des camps de harkis en France. Sur les plus de 160 000 harkis qui s’étaient enrôlés dans les rangs de l’armée française pendant la guerre d’Algérie, près de 80 000 d’entre eux se sont réfugiés en France pour échapper aux représailles du FLN. Mais à leur arrivée en métropole, la désillusion, l’isolement et les mauvaises conditions de vie les attendaient.

” C’était là l’entrée principale. Il y avait de grandes clôtures, très hautes, avec des barbelés tout autour et des sapins, se souvient André Azni, président de l’association Les Harkis et leurs amis. Alors voilà l’allée centrale où il y avait des bâtiments verticaux, comme ça. Ensuite, pour effacer la mémoire des camps, ils ont construit ces petits pavillons qui ne ressemblent à rien. »

Situé près du village de Bias, le camp est bien caché des regards par une végétation luxuriante. Pendant plusieurs années, les harkis n’avaient quasiment aucun contact avec le monde extérieur. Larbi Bouzaboun avait un an lorsque sa famille est arrivée au camp de Bias, où il a vécu pendant 15 ans. Une expérience traumatisante selon lui : « Quand on est enfant et qu’on grandit dans un camp de concentration, je pèse mes mots, on ne peut pas évoluer comme un enfant, normalement, bien sûr on est traumatisé. On est choqué. L’échec scolaire était tracé. Quand on arrive en CM2, même avec 18 ans En moyenne, on vous faisait redoubler deux ans, trois ans. années… Alors, comment voulez-vous que nous puissions évoluer comme n’importe quel autre citoyen français ? C’est impossible ! »

Écoutez aussiLes Harkis en Algérie

Si cette descendante de harkis a eu la chance de quitter le camp de Bias à l’âge de 16 ans, ce n’était pas le cas de Malika Belfoule. La mère, qui vit toujours sur place, met un point d’honneur à parler à ses enfants de l’histoire des harkis. Les harkis, il faut être fier. Je leur ai dit : “Ce n’est pas une honte.” Je dis : « Grand-père, c’est De Gaulle qui l’a amené, il n’est pas venu seul. » Et regardez le résultat, ce qu’ils nous ont fait. Quand vous voyez que les gens qui sont venus aujourd’hui, ils ont tout ce qu’ils savent. Alors que nos parents, c’est De Gaulle qui les a amenés. Mais il les a amenés trahi, en fait, à la fin. Je suis fier d’être arabe, mais je suis français à la 100% et je le revendique. Et je suis fier de mon père. »

Qu’ils aient quitté le camp ou non, l’objectif des descendants est aujourd’hui de faire connaître l’histoire des harkis. Nous nous sommes battus pendant plusieurs années pour obtenir réparation et reconnaissance, rappelle Boaza Gasmi, du Comité national de liaison des harkis (CNLH). Mais aujourd’hui, il est grand temps de parler de mémoire pour que le citoyen français connaisse toute la vérité sur notre histoire. Nous voulons que cette histoire soit connue dans les universités, dans les lycées, dans les collèges, dans les écoles primaires, etc. »

Les Harkis de Bias réclament depuis des années un lieu de mémoire sur ce site emblématique.