Après le temps des ambitions, celui des déceptions. Malgré de grandes promesses de décarbonation des secteurs industriels et de la mobilité lourde, le secteur émergent de l’hydrogène bas carbone – issu de l’électricité renouvelable (éolienne et solaire) ou nucléaire – est au point mort. La liste des projets ne cesse de s’allonger. Mais la mise en œuvre est loin de suivre le rythme, à en juger par le faible déploiement des électrolyseurs. « Qu’il s’agisse d’hommes politiques ou d’entreprises, de nombreuses personnes ont survendu l’hydrogène, affirmant que cela sauverait le monde », reconnaît Philippe Boucly, président du réseau professionnel France Hydrogène. Du côté des affaires, « cette tendance s’observe par exemple en cas de levée de fonds ou d’introduction en bourse ».
Selon une étude de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) réalisée au début de l’année, seuls 12 gigawatts (GW) de puissance d’électrolyse dans le monde sont en construction ou ont déjà fait l’objet d’une décision finale d’investissement. Très loin des 360 GW d’électrolyseurs annoncés mondialement pour 2030, sachant qu’une capacité d’à peine plus de 1 GW est déjà en service, principalement en Chine. “La principale raison est la lenteur à amener les projets prévus aux décisions finales d’investissement, en raison du manque d’acheteurs et de l’impact de la hausse des prix sur les coûts de production”résume l’AIE.
« Les fondamentaux de l’hydrogène n’ont pas changésoutient Pierre-Etienne Franc, directeur général de Hy24, gestionnaire de fonds d’investissement. Sauf que, ces derniers temps, les choses se sont mal passées. Différents facteurs ont compliqué les conditions de sa croissance : inflation, hausse des taux d’intérêt, risques géopolitiques, négociations réglementaires…
Le français Engie reflète bien l’ambiance du moment. En février, le numéro un gazier du pays a annoncé qu’il décalerait de cinq ans son objectif, fixé pour 2021. Elle vise désormais 4 GW d’hydrogène « vertes », issues des énergies renouvelables, pour 2035, et non plus pour 2030. « Le défi consiste à intensifier toutes les technologies qui existent actuellement. C’est ce qui va vraiment faire baisser les coûts de production »considère Erwin Penfornis, vice-président de la branche mondiale « hydrogène énergie » d’Air Liquide.
Cet autre acteur de premier plan compte mettre en service, d’ici 2026, l’un des plus grands électrolyseurs au monde, près du Havre. « Normand’Hy », c’est son nom, aurait une puissance d’environ 200 mégawatts, soit 0,2 GW. Le projet est estimé à 400 millions d’euros, dont près de la moitié sous forme d’aide publique. A ce jour, la part des électrolyseurs déjà opérationnels en France est encore infime. Fin 2023, elle était de l’ordre de 0,03 GW, malgré un objectif gouvernemental (depuis 2020) de 6,5 GW pour 2030.
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