VCela fait presque cinquante ans que la France présente un budget équilibré. Certes, les déficits actuels résultent en grande partie des crises récentes, celles déclenchées par le Covid-19 ou la guerre en Ukraine, et du soutien aux ménages et aux entreprises qu’elles ont nécessité. Mais notre pays se distingue par un problème plus profond et plus durable : son incapacité à éliminer les dépenses publiques inefficaces.
La réponse aux difficultés politiques et aux revendications corporatistes passe le plus souvent par la création de nouvelles aides ou de niches fiscales, auxquelles il s’avère particulièrement difficile de revenir par la suite, tant est la forte mobilisation des groupes d’intérêt concernés. Pour ceux qui savent comment est faite la loi, l’adage selon lequel « dans chaque chenil il y a un chien qui mord » est particulièrement révélateur.
Cependant, de nombreuses dépenses manquent leur objectif et génèrent des effets d’aubaine pour certains acteurs plutôt que des bénéfices pour la communauté. C’est par exemple le cas des aides à l’embauche des apprentis de l’enseignement supérieur, qui représentent plusieurs milliards d’euros et dont les évaluations existantes montrent qu’elles apportent très peu de valeur ajoutée en termes d’insertion professionnelle, comme nous l’avons souligné, avec Pierre Cahuc, dans un ouvrage intitulé Apprentissage. Donner la priorité aux moins qualifiés (Presses de Sciences Po, 2015).
Cette situation est particulièrement frustrante car depuis des décennies, des méthodes existent pour mesurer rigoureusement l’impact d’une politique sur des indicateurs sélectionnés : les exonérations de cotisations patronales créent-elles de l’emploi ? L’aide au logement a-t-elle un effet sur l’accession à la propriété ? Le fractionnement des classes améliore-t-il le niveau des élèves ? L’évaluation peut répondre à toutes ces questions, et ainsi éclairer la décision publique, à condition qu’elle soit réalisée de manière scientifique par des chercheurs indépendants. Trois mesures gagneraient à être mises en œuvre à cet effet.
Clauses de caducité
Tout d’abord, inscrire dans la loi organique relative aux lois de finances le principe de clauses de temporisation pour certaines dépenses : celles-ci seraient mécaniquement supprimées au terme d’un délai fixé par la loi de finances si l’évaluation montre qu’elles n’atteignent pas leur objectif.
La loi préciserait également les indicateurs sur lesquels doit porter l’évaluation, ce qui donnerait la possibilité au gouvernement de clarifier les objectifs politiques qu’il poursuit. Ce principe, que d’autres pays ont déjà mis en œuvre, reviendrait à renverser la charge de la preuve. Plutôt que de devoir démontrer qu’une mesure ne fonctionne pas pour l’éliminer – tâche épuisante et incertaine – il s’agirait de prouver qu’elle fonctionne pour la rendre durable. Toutes les dépenses d’intervention économique et sociale pourraient ainsi être passées au crible.
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