Dans son discours du 25 avril sur l’Union européenne (UE), Emmanuel Macron a tracé les grandes lignes d’un nouveau projet européen. Celui-ci vise à faire de l’Europe une véritable puissance, tant dans le domaine militaire que dans celui de la recherche scientifique ou encore de la politique commerciale, sans oublier un contrôle communautaire accru des flux migratoires. Le projet macronien se concentrait sur une Europe royale et géostratégique, contrôlant ses frontières, capable de se défendre et de se transformer en un acteur international capable de rivaliser avec les États-Unis ou la Chine. Il consacre le pouvoir au niveau européen, mais renvoie par conséquent la question sociale au seul niveau national.
Ce projet est-il partagé par les électeurs français ? Données de la quatrième vague de l’enquête Ipsos, en partenariat avec le Cevipof, l’Institut Montaigne, la Fondation Jean Jaurès et ” Le monde ” montrent que leurs attentes sont sensiblement différentes. Interrogés sur les questions prioritaires qui devraient être celles de l’UE, ils mettent en premier la crise migratoire (42%), le changement climatique (36%), l’avenir de l’agriculture (35%) avant la défense commune (28%), le renforcement de la l’UE contre la Chine ou les Etats-Unis (24%) et surtout bien avant l’aide à l’Ukraine (13%). L’orientation militaire du projet d’Emmanuel Macron n’est pas la priorité des Français.
La situation ne se résume donc pas à un choix entre une « Europe puissante » et un retour à un nationalisme étroit. L’idée de souveraineté européenne, dont le renforcement est par ailleurs faiblement souhaité (54%), ne se heurte pas seulement à celle de souveraineté nationale qui est bien plus demandée (71%). Elle bute sur le fait que l’UE ne répond pas à la question de la cohésion sociale qui reste centrale en France. Un pays où les électeurs voteront sur des questions qui les touchent : le pouvoir d’achat (49 %), l’immigration (34 %) mais aussi le système de santé (33 %). Autant de sujets de société qui touchent principalement les catégories populaires, ce qui favorise le Rassemblement national (RN).
C’est donc une réarticulation entre le projet européen et le projet national qu’attendent les électeurs. Seule une minorité d’entre eux (24%) souhaitent que l’UE prenne de plus en plus de décisions dans le cadre de politiques communes à l’avenir, la majorité préférant un recentrage sur les États membres (35%), parfois dans le cadre d’accords spécifiques. (8%). Par exemple, sur la question migratoire, seuls 38 % des Français souhaitent qu’elle soit traitée par les politiques communes de l’UE et 48 % par les États membres. La tentation du « Frexit » est faible (14 %) et ne séduit réellement que les électeurs des listes RN ou Reconquête.
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