La destruction des bouteilles Perrier « par précaution » concerne au moins deux millions de bouteilles, ont appris mercredi franceinfo et « Le Monde ».
Publié
Temps de lecture : 5 minutes
À peine trois semaines après nos révélations sur un potentiel risque sanitaire lié aux eaux minérales naturelles du groupe Nestlé, la multinationale annonce avoir détruit au moins deux millions de bouteilles de la marque Perrier suite à une dégradation de la qualité de l’eau dans l’un des sept puits de son site. Usine gardoise. Selon un arrêté préfectoral consulté par franceinfo et Le mondequi n’a jusqu’à présent pas été rendu public malgré les obligations légales, deux autres puits sont désormais exploités pour produire, dans des conditions floues, une nouvelle gamme de boissons gazeuses.
Traces d’excréments et de germes
Mercredi 24 avril, Nestlé Waters France, filiale du leader mondial de l’agroalimentaire, a annoncé à l’AFP avoir, « comme précaution »détruire « plusieurs lots de bouteilles », généralement livré au magasin. Une destruction qui concerne au moins deux millions de bouteilles, comme l’ont annoncé franceinfo et le journal Le monde la société Nestlé, qui veille à ce que « toutes les autres bouteilles sur le marché peuvent être consommées en toute sécurité ». Concernant la contamination de ses bouteilles d’eau minérale, Nestlé évoque simplement un « déviation microbiologique ponctuelle » est apparu à la suite « de très fortes pluies liées à un récent événement de type méditerranéen dans le Gard »tempête Monica qui a touché le sud-est de la France durant le week-end du 10 mars.
De son côté, le préfet du Gard a annoncé avoir mis en demeure l’entreprise « suspendre sans délai » l’exploitation d’un des puits de son usine de Vergèze dans le Gard, où est embouteillée l’eau Perrier. Cette capture serait en effet « a présenté un épisode de contamination à partir du 10 mars 2024 et sur plusieurs jours par des germes témoins d’une contamination d’origine fécale (coliformes, Escherichia coli) mais aussi par des germes de l’espèce Pseudomonas aeruginosa ». Il est également indiqué « que la contamination de l’eau conditionnée de ce forage ne peut être exclue et peut présenter un risque pour la santé des consommateurs ».
Le puits dont l’exploitation a été suspendue est situé à Vergèze, où est historiquement puisée l’eau de la marque Perrier, créée en 1903. Cependant, comme l’ont révélé Franceinfo et Le monde Récemment, les ressources en eau exploitées par Nestlé à Vergèze sont soumises à des contaminations régulières depuis des années, tout comme celles de l’autre usine d’eau minérale Nestlé en France, dans les Vosges, où sont produites les marques Vittel, Hépar et Contrex.
Déjà des alertes de l’Anses
En octobre dernier déjà, l’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire, alertait le gouvernement dans une note restée confidentielle mais révélée par franceinfo et Le mondeà propos de « niveau de confiance insuffisant » pour garantir la qualité sanitaire « produits finis », c’est-à-dire les bouteilles destinées aux consommateurs. Concernant le site de Vergèze, les experts de l’Anses ont évoqué la présence de « de nombreuses bactéries coliformes »de « détérioration de la qualité microbiologique de l’eau »et signalé la présence de pesticides et de métabolites de pesticides dans « tous les puits de forage »leur somme peut parfois dépasser les seuils réglementaires.
Dans un courrier annexé au rapport, l’agence régionale de santé Occitanie a noté de son côté que l’usine Perrier était confrontée à un « contamination bactériologique régulière sur au moins cinq des sept sites de forage autorisés ». Des contaminations qui, suggèrent les experts de l’Anses, nécessitent des traitements qui ne devraient plus permettre la production d’eau labellisée « eau minérale naturelle ».
Un risque qui en réalité ne date pas d’hier puisque, dès 2021, lors d’une réunion confidentielle à Bercy, l’entreprise Nestlé avait admis avoir recours à des traitements interdits par la réglementation, dans le but d’épuration des ressources dans des eaux contaminées par des bactéries et des pesticides. Le gouvernement, après avoir découvert la supercherie, ayant décidé de n’informer ni la justice ni les autorités européennes, sans tenir compte de la réglementation, a alors ordonné un rapport à l’inspection générale des affaires sociales. Ce rapport, rendu public seulement après la publication de notre enquête, n’excluait pas un risque sanitaire en cas d’arrêt de traitements interdits. Des traitements (filtres à charbon actif et filtres UV) cependant retirés par la multinationale, afin de pouvoir continuer à vendre ses produits sous l’appellation d’eau minérale naturelle.
Officiellement, Nestlé affirme depuis le début de l’affaire avoir toujours garanti la sécurité sanitaire de ses produits. De manière rassurante, la multinationale a annoncé en janvier avoir fermé ses captages les plus problématiques et lancé une « plan de transformation de son usine de Vergèze, sous le contrôle des autorités », certains puits ayant été détournés pour produire, non plus de l’eau minérale naturelle, mais la marque Maison Perrier. Une nouvelle gamme de boissons gazeuses dont Nestlé fait actuellement la promotion à coups de panneaux publicitaires et de vidéos sponsorisées sur les réseaux sociaux, avec comme égérie l’actrice de la série Emily In Paris, Lily Collins.
Un arrêté préfectoral du 22 décembre 2023, que Franceinfo et Le monde ont pu consulter, fixe en effet les conditions de production de ces nouvelles boissons destinées à la consommation humaine, pour lesquelles la réglementation est moins stricte que pour les eaux minérales naturelles. Sans jamais évoquer la contamination microbiologique et physico-chimique des ressources en eau, le décret autorise l’entreprise Nestlé à utiliser deux de ses captages dans le but de produire un « Boisson pétillante ». Mais certaines formulations du décret remettent en cause l’étanchéité des canalisations, « les mêmes lignes » peut « être utilisé pour conditionner soit de l’eau minérale naturelle, soit des boissons gazeuses ».
Ce décret, que franceinfo et Le monde ont pu consulter, n’a toujours pas été publiée au registre des arrêtés préfectoraux, malgré les obligations légales. La préfecture, interrogée à ce sujet, affirme « ne pas comprendre », et renvoie à l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, qui n’a pas, à ce stade, répondu à nos questions, tout comme le ministère de la Santé. .
Sur France info aujourd’hui le directeur de l’information de Foodwatch, qui a porté plainte contre le groupe Nestlé, regrette que l’information sur cette affaire « arriver au fil de l’eau. Depuis le début, Nestlé ne s’est pas conformée à la directive européenne. Il est très clair dans la directive que dès qu’il y a contamination ou pollution de l’eau, il est absolument interdit de la mettre en bouteille et même de la commercialiser. Mais ce n’est pas du tout ce qui s’est passé.