Si la multiplication des feux de forêt fait craindre un été difficile à travers le Canada, météorologues et spécialistes préviennent que ces phénomènes vont très probablement s’amplifier dans les années à venir. Et il va falloir s’y préparer. Entrevue avec Jean-Pierre Blanchet, professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Pourquoi voyons-nous tant d’incendies se propager maintenant ?
Nous sommes dans une période où les sécheresses augmentent beaucoup partout au Canada, mais ce qui augmente le plus, c’est la variabilité climatique. On voit de plus en plus de périodes très humides, avec beaucoup de précipitations, puis des périodes très sèches. En plus de tout cela, il y a des orages plus violents qui ont tendance à déclencher des incendies. De toutes parts, il nous bombarde en ce moment. C’est tout un concours de circonstances, ou du moins plusieurs conditions qui entrent en jeu assez soudainement.
Comment le changement climatique y contribue-t-il ?
Il y a plusieurs choses. Mais surtout, c’est qu’aujourd’hui, même lors de pluies abondantes, on constate que le sol est relativement sec et donc, il n’absorbe pas bien l’eau. Ça accentue le problème et ça cause aussi beaucoup d’érosion, ce qui contribue à affaiblir les arbres, à avoir une végétation plus faible. Nous ne sommes pas les seuls. Dans le monde, de nombreuses personnes sont touchées de la même manière, en Australie par exemple ou en Europe, autour de la Méditerranée notamment.
Quel est le principal défi cette année, outre l’ampleur des incendies de forêt ?
C’est vraiment que c’est à grande échelle. Les forêts s’assèchent sensiblement sur de vastes régions du Canada, de sorte que le terrain à risque est beaucoup plus grand. Si l’on pense à la Californie il y a quelques années, la sécheresse sévère sévissait principalement sur la côte ouest américaine, alors que chez nous, on l’observe sur une grande partie du territoire. Il est donc très difficile pour les autorités de déployer partout des ressources importantes pour remédier à l’ensemble de la situation. Il y a des choix à faire.
Doit-on craindre que cela s’aggrave encore ?
A court terme, c’est difficile à dire. Mais à moyen et long terme, ça va grandir, ce n’est qu’un début. Tout cela deviendra de plus en plus important. Si nous arrêtions de produire des gaz à effet de serre maintenant, il faudrait une cinquantaine d’années pour commencer à rétablir un équilibre. Heureusement, la bonne nouvelle est que l’Agence spatiale canadienne dispose maintenant de nouveaux satellites pour mesurer et suivre les feux de forêt de manière plus détaillée.
En tant que citoyen, quel message devons-nous retenir face à tout cela ?
On en parlait depuis longtemps, du climat qui allait se réchauffer et des conséquences que cela allait avoir. On en parlait dans les années 1980 et personne ne nous croyait. Maintenant, les gens commencent à s’en rendre compte. La planète se comporte un peu comme un fumeur qui se dit : c’est pas grave, je peux en fumer un autre. Tant que nous ne sommes pas coincés dans des situations extrêmes, nous avons du mal à prendre des décisions. Mais il va falloir les prendre rapidement.
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