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« J’ai l’impression d’être la coupable », proteste Gisèle Pélicot.


AAprès une heure de torture, Gisèle Pélicot a explosé. « Je comprends que les victimes de viol ne portent pas plainte ! On passe par un processus de déballage où on essaie d’humilier la victime ! Et ceux qui sont derrière (NDLR : l’accusé assis derrière elle), ils ne sont pas coupables ! » Pendant trois semaines, Gisèle Pélicot a gardé la tête haute sur le banc des parties civiles, dans le procès qui l’opposait à 51 hommes accusés de l’avoir violée après que son mari l’a droguée à Mazan (Vaucluse) pendant dix ans. Elle a montré le visage d’une femme digne, apaisée, consciente des enjeux sociaux soulevés par son procès. Sous ce visage bouillonnait une colère qu’elle n’a pu contenir, ce mercredi 18 septembre, à l’issue d’une audience lunaire où la victime semblait endosser les vêtements de l’accusé.

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Les avocats de la défense, qui peuvent craindre que la diffusion des vidéos du viol soit dévastatrice pour leurs clients, ont en effet demandé à visionner d’autres images trouvées sur le disque dur de Dominique Pélicot. Celles de son ex-femme Gisèle, nue ou dévêtue dans diverses positions lascives, obscènes, voire pornographiques. Ses parties intimes sont diffusées en gros plan sur les écrans de la salle d’audience, où seuls les avocats, l’accusé et les journalistes sont présents. Le président du tribunal a pris soin de faire évacuer la salle attenante pour que le public ne les voie pas.

Des photos intimes exposées

« J’ai demandé la publication de ces photos pour comprendre la position de Mme Pélicot par rapport aux faits reprochés et à la manière dont fonctionnait ce couple, et en aucun cas pour me situer sur le plan de la morale », explique Me Isabelle Crépin-Dehaene, à l’origine de l’initiative. Objectif moins avouable : révéler un côté peu flatteur de Gisèle Pélicot, instiller l’idée que l’accusée aurait pu croire qu’elle consentait au fait que 70 personnes la violaient, indépendamment du fait qu’elle soit dans un état proche du coma. Sur le principe, on n’est pas loin de l’argument de la jeune fille violée parce qu’elle portait une minijupe…

Cette retraitée de 71 ans a ainsi dû justifier les pratiques sexuelles dont elle était soupçonnée, en évitant de jeter un œil aux gros plans d’elle nue projetés au-dessus d’elle. Deux séries de 27 photos très crues ont été présentées. La salle est restée silencieuse. Certains ont détourné le regard. Me Crépin-Dehaene conclut : « Mme Pélicot est réveillée, parfois elle sourit. Toutes les femmes n’acceptent pas ce type de photos explicites. J’en déduis qu’il y avait un jeu sexuel dans le couple qui leur est propre. »

« Je pense qu’ils essaient de me piéger »

« Il y a des mains qui ne sont pas les miennes, ces photos ont été prises à mon insu », s’étonne Gisèle Pélicot. « Je pense qu’ils cherchent à me piéger à travers ces photos. Ils veulent montrer que j’ai attiré ces individus, que j’étais consentante. Cela ne me déstabilisera en rien. »

La défense insiste, bombarde Gisèle Pélicot de questions – ce qui est son droit absolu. L’ambiance se tend alors que la victime assure n’avoir jamais été au courant. « J’ai harcelé, j’ai fait semblant, j’ai été complice, j’ai bu… Que cherchent-ils dans cette pièce, pour me rendre coupable ? », s’agace-t-elle.

Et les ennuis de Gisèle Pélicot ne sont pas terminés. « Vous n’auriez pas des tendances exhibitionnistes ? » lui demande brusquement Me Philippe Kaboré, l’avocat de la défense. « Incroyable ! » proteste Me Babonneau, l’avocate de Gisèle Pélicot, en le regardant d’un air horrifié. « C’est dégradant, c’est humiliant », hausse-t-elle encore la voix, répétant qu’elle ne comprend pas l’origine de ces photos. « J’ai expliqué que j’étais absente depuis dix ans, je ne me souvenais de rien (NDLR : à cause des fortes doses de somnifères que son mari lui a administrées pour la violer) ! Vous voulez voir les scanners ? »

L’audience devient électrique. Toujours sur le gril, Gisèle Pélicot se retourne et subit les coups de Me Nadia El Bouroumi, l’avocate de la défense. “Vous êtes responsable de cette diffusion, Mme Pélicot !”, tempête la robe noire si fort qu’on hésite à se boucher les oreilles. Gisèle Pélicot a bien donné son accord pour la diffusion de ces photos au tribunal, mais pas au public, car elle ne voulait pas “les céder au public”.

S’ensuivent des insultes entre les avocats de Gisèle Pélicot et Me El Bouroumi, sous le regard impassible du président du tribunal, Roger Arata, qui avait pourtant promis, au début du procès, de garantir la sérénité des débats… Au milieu, Gisèle Pélicot, outrée puis incrédule. La défense reprochera même, d’une question, à la victime d’avoir apporté du linge à son mari en détention. « Ce n’est absolument pas votre procès », tente de la rassurer Me Guillaume de Palma en s’approchant d’elle. « Un petit peu quand même », soupire Gisèle Pélicot en hochant la tête.

Interrogé à la suite de cette séquence bouleversante, Dominique Pélicot défend en tous points son épouse. « Sur ces photos, il y en a deux consensuelles en lingerie, explique-t-il calmement. Le reste, ce sont des photos intimes, à l’insu de Madame. Il faut arrêter de la soupçonner, j’ai fait beaucoup de choses sans qu’elle le sache. »

En début d’après-midi, Gisèle Pélicot avait livré son sentiment sur l’audience au cours des trois semaines écoulées. “Depuis que je suis arrivée dans cette salle, je me sens humiliée, on me traite d’alcoolique, de complice… On a débattu de la chronologie des viols ! Le viol est-il une question de temps ? Trois minutes, une heure ? Si les personnes qui disent ça voyaient leur sœur ou leur fille être victime, auraient-elles le même débat ? Minute ou seconde, peu importe, ils sont venus pour me violer ! C’est tellement dégradant, éprouvant (…) Il faut une grande patience pour supporter tout ce que j’entends.”

« Ils devraient s’asseoir à ma place ! »

Avant même la diffusion des photos, cette femme frêle semblait perdre son sang-froid, outrée par certains arguments de la défense : « J’ai l’impression que c’est moi la coupable, et derrière (NDLR : là où sont assis les accusés), il y a des victimes ! D’ailleurs, elles devraient s’asseoir à ma place ! » « Certains disent que vous auriez pu accepter (NDLR : d’avoir des relations sexuelles avec l’accusé) et auriez délégué l’accord à votre mari ? », lui demande son avocat Stéphane Babonneau. « À quel moment un homme décide-t-il pour sa femme ? », s’interroge Gisèle Pélicot. « J’étais sous influence chimique. Quand ils voient une femme endormie sur son lit, ils se demandent ? Qu’est-ce qu’ils ont à la place du cerveau ? » Des bruits s’élèvent sur les bancs de la défense. « Ils sont 50 à ne pas s’être posé la question. Ce sont des dégénérés ! » « Je n’ai pas l’habitude de m’énerver, mais ça suffit ! », s’emporte-t-elle.

« Avez-vous pu vous opposer à ces hommes ? », lui demande délibérément Me Babonneau. « Dans l’état où j’étais, je ne pouvais répondre à personne, j’étais dans le coma et les vidéos qui seront diffusées pourront en témoigner. En tant que femme, l’humiliation est totale. Pas une seconde je n’ai donné mon consentement à ces hommes. » Difficile de se faire entendre ce mercredi.


Anna

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