A 40 ans, Nikola Karabatic s’apprête à disputer ses sixièmes Jeux olympiques d’été à Paris, avec pour objectif de remporter un quatrième titre. Monument du handball, leader de l’équipe de France et du Paris-Saint-Germain, il prendra sa retraite après les Jeux pour se consacrer, notamment, à la cause écologique.
Je ne serais pas arrivé ici si…
… Si la Yougoslavie de Tito n’avait pas autorisé les sportifs de 29 ans à tenter une expérience à l’étranger. Mon père était un handballeur international. En 1984, il rejoint l’ASL Robertsau, club strasbourgeois qui organise un tournoi auquel il avait participé un an plus tôt. Il aimait la région, le club aussi. Ma mère, qui terminait ses études de médecine, est restée avec moi dans l’actuelle Serbie, où je suis née la même année. Nous avons finalement rejoint mon père, deux ans plus tard. Sans cet exil, j’aurais grandi en Yougoslavie et j’aurais probablement vécu la guerre (1991-2001) de très près, et non par procuration. J’ai également évité les problèmes intra-familiaux puisqu’une partie de ma famille est croate et l’autre serbe. En tant qu’athlète, j’aurais aussi dû choisir entre l’équipe serbe et l’équipe croate, et je n’aurais jamais porté le maillot de l’équipe de France.
Quelle influence a eu sur vous ce père, Branko Karabatic, décédé subitement en 2011 ?
Je me suis longtemps demandé d’où venait cette flamme intérieure qui me poussait à devenir un compétiteur acharné, au point de vouloir écrire l’histoire de mon sport. Être séparé de mon père dans les premières années de ma vie a sans aucun doute créé une envie de transcendance. La famille s’installe alors à Frontignan (Hérault)où mon père a été embauché comme employé municipal.
Il était alors mon professeur de sport à l’école, mon entraîneur de handball et mon papa à la maison ! J’étais avec lui tout le temps, pratiquant plusieurs disciplines. J’ai grandi avec ce modèle. Je voulais que mon père soit fier de moi. En voyage, je prends toujours une alliance qui lui a appartenu au fond d’une trousse de toilette. C’est une façon de garder le contact.
Cependant, il n’a pas été gentil avec vous en marge…
Certains jours, il m’obligeait à passer uniquement avec la main gauche. D’autres fois, je n’avais pas le droit de tirer au but tant que tous mes coéquipiers n’avaient pas marqué. D’un côté, il correspondait à l’image de ces entraîneurs venus des pays de l’Est, durs et rigoureux, à qui l’on doit le respect. En revanche, il a été très attentif à ses enfants : il a très vite décelé ma passion pour le handball et mon envie de réussir. Il m’a comblé d’exercices et de conseils pour me faire progresser, dans un mélange de générosité et d’exigence. Et sans jamais me forcer à suivre ses traces.
Il vous reste 77,53% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.