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« J’ai vécu beaucoup de colère et de tristesse »

L’un des plus grands regroupements de cliniques d’ophtalmologie au Québec effectue des procédures jugées « superflues et inutiles », selon des spécialistes du domaine consultés par La pressequi gonflent la facture de plusieurs milliers de dollars versés aux patients subissant une chirurgie réfractive de la cataracte.


Louise Moreau s’est rendue à la clinique Bellevue de Longueuil en février 2021 pour une opération de la cataracte. Là, elle a rencontré le Dr Paul Harasymowycz, directeur médical des cliniques Bellevue et professeur à l’Université de Montréal.

Au cours de la réunion, le Dr Harasymowycz a recommandé à Louise Moreau de se procurer des lentilles spécialisées appelées « Symfony Toric » qui corrigent à la fois sa cataracte et son astigmatisme, connue sous le nom de chirurgie réfractive de la cataracte. « C’était séduisant, pour moi, le fait de ne plus porter de lunettes », confie Mmoi Moreau.

Les cliniques Bellevue, qui regroupent six établissements au Québec et une soixantaine d’ophtalmologistes, sont des établissements privés dont les médecins sont membres de la Régie de l’assurance santé du Québec (RAMQ). Certains de leurs services, comme l’extraction de la cataracte, sont couverts par le régime public. D’autres, liés à la correction de l’astigmatisme, ne le sont pas. Louise Moreau accepte donc de poursuivre la procédure de vingt minutes, dont la facture s’élève à 6 400 $, soit 3 200 $ par œil.

Une partie importante de sa facture, soit 2 400 $, est attribuée aux « incisions relaxantes », une procédure visant également à corriger son astigmatisme.

Cependant, les ophtalmologistes choisissent normalement l’implantation de lentilles ou même des incisions pour corriger ce trouble visuel, mais pas les deux procédures simultanément, selon le Dr.r Paul Thompson, ophtalmologiste au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

Si un spécialiste opte pour l’implantation d’une lentille torique, « il devient superflu et inutile de pratiquer en même temps des incisions relaxantes », précise le D.D Marie-Claude Blouin, ophtalmologiste à l’Hôtel-Dieu de Sorel et médecin expert du Collège des médecins et de l’Association canadienne de protection médicale lors d’appels antérieurs.

Une façon « bizarre » de faire les choses

La presse consulté deux autres factures de patients opérés par Dr Paul Harasymowycz au cours des trois dernières années qui confirment que la situation de Louise Moreau n’est pas unique. Dans les deux cas, les patients ont subi des incisions relaxantes en plus de l’implantation de lentilles.

Je ne peux pas imaginer une situation clinique dans laquelle il serait utile de réaliser simultanément des incisions de relaxation et une chirurgie de la cataracte avec une lentille torique, au cours de la même procédure.

Le Dr Éric Fortin, coordonnateur clinique du Centre universitaire d’ophtalmologie de l’Université de Montréal

La combinaison des deux procédures pourrait également provoquer certains effets néfastes, indique le Dr Davin Johnson, spécialiste en chirurgie de la cataracte, réfractive et cornéenne et professeur au département d’ophtalmologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario. « Des incisions relaxantes sectionnent les nerfs qui procurent des sensations à la cornée. Bien que ces nerfs se régénèrent, la combinaison de procédures augmente potentiellement le risque de sécheresse oculaire après une intervention chirurgicale », explique-t-il.

Le président de l’Association des médecins ophtalmologistes du Québec (AMOQ), Dr.r Salim Lahoud, quant à lui, juge « bizarre » cette façon de faire, même s’il préfère ne pas porter de jugement sans avoir examiné le dossier en détail. « Je trouve que c’est une procédure pour le moins inhabituelle », a-t-il déclaré.

Quant à la Société canadienne d’ophtalmologie, elle n’a pas souhaité faire de commentaire. Nous nous sommes donc tournés vers la Société Française d’Ophtalmologie, où le DD Barbara Ameline-Chalumeau, spécialiste en chirurgie réfractive et de la cataracte, a déclaré par courriel ne voir « aucune raison de faire (les deux procédures) systématiquement ».

Optimiser la vision

La presse a accepté une entrevue téléphonique avec la directrice des opérations médico-chirurgicales des cliniques Bellevue, Mylaine Beaudry, la Dr Paul Harasymowycz indisponible.

Mylaine Beaudry a simplement répondu que les spécialistes de la clinique « fonctionnent dans le respect de la réglementation » et n’ont « jamais eu de problèmes avec le régime d’assurance maladie ou le Collège des médecins ». Elle a refusé d’autres questions posées par téléphone, préférant répondre par écrit.

En réponse à la demande de La presse Quant à savoir si tous les patients des cliniques Bellevue qui choisissent l’implantation de lentilles toriques reçoivent également des incisions relaxantes au cours de la même procédure, elle a déclaré par courrier électronique que « les lentilles toriques ne corrigent pas complètement l’astigmatisme, car elles sont disponibles en dioptries standard » et que « les incisions relaxantes corrigent l’astigmatisme résiduel de chaque patient de manière personnalisée ».

L’astigmatisme des patients est mesuré en dioptries (D), mais les lentilles toriques Symfony ne sont disponibles que par incréments de 0,50 D, ou demi-dioptries, explique D.rs Marie-Claude Blouin et Paul Thompson.

Mylaine Beaudry soutient que les cliniques complètent la correction au moyen d’incisions relaxantes, afin d’optimiser « la vision après l’opération » et de « réduire la dysphotoopie secondaire », communément appelée halos lumineux.

Les meilleures pratiques

Les experts consultés par La presse réfuter l’explication des cliniques Bellevue. Selon le DD Marie-Claude Blouin, il n’est tout simplement pas nécessaire de corriger un astigmatisme inférieur à 0,50 D. « De plus, un astigmatisme résiduel inférieur à 0,50 D est loin d’être problématique et est même souhaitable, car il est prouvé qu’un astigmatisme très léger peut améliorer la profondeur de champ », explique-t-elle.

Le Dr Paul Thompson, du CHUM, deuxième.

Un peu d’astigmatisme n’est pas mauvais. Parfois, cela peut même aider à la lecture. Donc, une demi-dioptrie, personne ne va s’amuser à corriger ça.

Le Dr Paul Thompson, ophtalmologiste au CHUM

Il affirme que des incisions relaxantes peuvent être une option dans les cas où un astigmatisme important persiste dans les mois suivant l’implantation de lentilles. Cependant, il est perplexe face à la nécessité d’effectuer les deux procédures simultanément. « Là, je ne peux pas expliquer cette approche », a-t-il déclaré.

Le DD Blouin est du même avis. « Si l’objectif était vraiment d’atteindre le plus grand degré de précision possible (après la chirurgie), la meilleure façon serait d’abord d’installer la lentille torique, de laisser l’œil guérir, puis de vérifier le résultat réfractif final ainsi obtenu », a-t-elle déclaré. Si un astigmatisme ayant un réel impact sur la vision du patient persiste, « à ce stade, une seconde intervention laser ou des incisions relaxantes pourraient être proposées au patient ».

Lorsque nous avons demandé aux cliniques Bellevue pourquoi leurs professionnels n’attendent pas la fin de la période de cicatrisation pour pratiquer des incisions relaxantes chez les patients qui en ont besoin, la directrice médicale Mylaine Beaudry nous a renvoyé au raisonnement évoqué précédemment.

Colère et tristesse

Malgré l’implantation de lentilles et des incisions relaxantes, Louise Moreau doit toujours porter des lunettes en tout temps, puisque sa vision ne s’est pas suffisamment améliorée suite à l’intervention. Ses yeux secs se sont également aggravés et nécessitent désormais des soins et des médicaments quotidiens.

«J’ai vécu beaucoup de colère et de tristesse», confie Louise Moreau en ravalant ses sanglots. « En vieillissant, nous devenons plus vulnérables. Mais j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai décidé de poursuivre les petites créances. » Dans le formulaire de consentement qu’elle avait signé avant l’opération, il était indiqué que « l’intervention réfractive n’est pas remboursée en cas de complication », mais qu’un montant « peut être remboursé selon l’avis (du) spécialiste ».

Louise Moreau a donc tenté de se faire rembourser les frais de l’opération. Devant l’absence de réponses de la clinique, elle a choisi de porter plainte en octobre 2021. « La clinique a contesté ma demande et a refusé la médiation. Constatant la lenteur des procédures judiciaires, actuellement de trois à quatre ans dans les petits litiges, et éprouvant le stress de l’attente, j’ai pris la décision de retirer ma poursuite en septembre. Ma santé et ma paix intérieure sont plus importantes que l’argent », déclare M.moi Moreau.

De son côté, la Clinique n’a pas souhaité commenter ce dossier par souci de confidentialité. Quant à Louise Moreau, elle garde un goût amer de son expérience avec la clinique Bellevue, affirmant que sa qualité de vie s’est dégradée depuis son opération. « Comment ne pas être déçu d’apprendre que j’ai peut-être été surfacturé ? J’espère que cette expérience pourra aider d’autres à être très vigilants et à ne pas hésiter à remettre en question les honoraires et à demander un deuxième avis. »

Apprendre encore plus

  • 110 000
    Nombre d’opérations de la cataracte réalisées chaque année en moyenne au Québec entre 2018 et 2022

    Source : RAMQ


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