Chaque jour, une personnalité s’invite dans l’univers d’Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’auteur, compositeur et membre fondateur du groupe Stupeflip, Julien Barthélémy. Le 8 septembre est sortie une réédition de la bande originale du film « Parenthèse » de Bernard Tanguy, augmentée de trois titres inédits.
Julien Barthélémy alias King Ju est l’un des membres fondateurs, avec Stéphane Bellanger et Jean-Paul Michel, du groupe français Stupeflip né en 2000. Ce groupe a la particularité que chaque musicien possède plusieurs pseudonymes, la volonté étant que chacun puisse en interpréter plusieurs. personnages au sein d’une entité qu’ils appelaient « Le Crou ». Stupeflip est indéfinissable, voire indomptable, mélangeant les styles et les inspirations. Il y a du rock, des riffs colériques, parfois insolents, du hip hop, du punk californien, des bruits bizarres, parfois de la variété, de l’électro, de la pop. Leur premier album éponyme et leur titre Je fume du Pu D’Shit ont marqué leurs débuts et leur furieuse envie de dire les choses. N’en déplaise à ceux qui ne partageaient pas leurs convictions.
Vendredi 8 septembre 2023, il réédite en version remasterisée la bande originale du film Parenthèse de Bernard Tanguy sorti en 2013, augmenté de trois pièces inédites. Pour fêter les dix ans de tournage, il est possible de visionner le film gratuitement sur YouTube jusqu’au 8 octobre.
franceinfo : Cette réédition est-elle une proposition nouvelle, un autre métier que celui de servir un film ?
Roi Ju : Oui. En fait, je viens du graphisme. Avant Stupeflip, je faisais de l’illustration, donc c’était toujours lié aux images. La musique que je fais, c’est vrai, provoque des images. J’ai essayé de faire une musique, finalement, un peu aquatique, la mer, le soleil. Et il y a des petits bouts de sons comme ça dans Stupeflip. C’était pour contrecarrer l’univers qui est encore assez sombre et dur.
J’aimerais connaître le point de départ du Stupeflip. Comment est né le groupe ? Je sais qu’il existe un modèle qui a été beaucoup montré, qui vous a été envoyé par votre voisin d’à côté.
Je pense que c’était en 1993. Je suis allé à New York. J’y suis resté six à sept mois. C’était les débuts du Wu Tang Clan, West Coast Band, Dr. Dre. Et puis, je suis rentré à Paris. Je me suis dit que les gars du rap en France ne crient pas. Je voulais crier du rap, alors j’ai écrit cette chanson Stupéfiant. Le modèle existait depuis 1994 et six ans plus tard, j’avais absolument envie de reprendre ce modèle et d’en faire quelque chose de plus électro. J’ai refait une prise vocale et ça a abouti à cette chanson Stupéfiant. D’ailleurs je le dois au hip hop en gros, mais aussi à un gars qui s’appelle Albert Dupontel et ses premiers sketchs, celui de Rambo ou celui où il a passé le bac en disant «Jean-Paul Sartre, Jean-Paul Sartre…« On va dire que c’est un mélange entre ça et le rap américain.
Très vite, l’art vous a attiré, du moins le monde artistique. J’aimerais savoir exactement ce que votre père, qui était peintre, vous a transmis. Il reçoit le Grand Prix de Rome, il séjourne à la Villa Médicis pendant plus de quatre ans. C’était quelqu’un d’extrêmement reconnu. La découverte de ses peintures vous a donné envie de tisser votre propre toile ?
L’atelier était le cœur de l’appartement où j’ai grandi et cela mettait une pression terrible. Parfois, il réalisait un tableau pendant six mois. Il l’a détruit au cutter en criant, donc ça a créé une ambiance…
« C’était un type bien, mon père, mais il était complètement obsédé par sa peinture. Je ne me souviens pas qu’il m’ait parlé une fois quand j’étais petite et cela créait une sorte de tension. »
King Ju du groupe Stupeflipsur franceinfo
Moi, je suis vraiment né dans la tension et c’est pour ça que dans Stupeflip, on retrouve cette tension. Je déteste la violence, mais d’une manière ou d’une autre, quand je crie, c’est un peu comme la voix de mon père. C’est comme s’il vivait un peu à travers moi. C’est pour ça que j’ai d’autres personnages beaucoup plus calmes, pour calmer un peu le jeu.
Justement, est-ce que Stupeflip t’a aidé à calmer tout ça, ça te fait du bien ?
Je n’ai jamais pensé que ça me rendrait heureux, non. Par contre, quand je travaille sur mon truc, il y a des petits moments où je suis vraiment content. Je suis plus heureux que n’importe quel milliardaire. Mais bizarrement, non, cela ne m’a pas rendu plus heureux dans ma vie. Exactement, depuis que j’ai arrêté tout ça. Depuis environ un an, j’essaie vraiment de réfléchir à moi, de m’analyser pour essayer de m’améliorer car je ne suis pas quelqu’un qui va forcément très très bien. En plus, il parait que la dépression est un signe d’intelligence, donc je dois être très intelligente !
L’important est de ne pas tomber trop loin dans cette dépression.
Exactement. Mais en tout cas, avec Stupeflip, la forme est parfois un peu dure, un peu sombre, mais on sent qu’il y a quand même quelque chose de positif.
On vous a toujours vu avec un masque. Là, vous portez un chapeau et des lunettes noires…
Un simplet oui ! Tu as un vrai con là !
Est-ce aussi une façon d’affronter le monde ?
Le coup d’être masqué… Un jour, on m’a demandé : « Pourquoi es-tu masqué ? Ton masque fait peur. » Ce qui me fait peur, c’est surtout ceux qui montrent leur visage parce qu’il y a un tel ego chez les artistes. Je trouve ça terrifiant. Je ne veux pas être reconnu dans la rue. De temps en temps, les gens me reconnaissent à ma voix. Ceci étant dit, bizarrement, parfois j’aimerais être reconnu.
Que vous a apporté Stupeflip en 23 ans ?
Payer le loyer parce que franchement, avant Stupeflip, j’ai lutté pendant six, sept ans, mais j’ai vraiment lutté.
« Je sais quel est le combat. Je suis arrivé dans ce milieu, j’avais 33 ans. Stupeflip me permet de vivre de mon art. C’est terrible, c’est terre-à-terre, mais c’est juste. »
King Ju du groupe Stupeflipsur franceinfo
Et après?
Je veux faire une série de science-fiction. Si je vis assez longtemps pour faire ça, je pense que ça va être encore plus fou que Stupeflip parce que je dessine pas mal en fait. Et là, je crée une histoire et j’aimerais faire une petite série d’épisodes assez courts. Cela va prendre du temps.
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