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« Je cherchais l’élégance d’un film des années 70 »


AAdoubé par Hollywood, Alexandre Aja, fils du cinéaste Alexandre Arcady, aligne sur écran depuis plus de vingt ans les histoires de tueurs en série consciencieux, de crocodiles gourmands, de piranhas en colère ou encore de films de monstres mal élevés et autres séries B décomplexées. Des titres ? Haute tension (2003) avec Cécile de France, son remake terrifiant de La colline a des yeux (2006), l’hilarant Piranha 3D (2010), l’attachant Crawl (2019), produit par Sam Raimi, ou plus récemment Oxygènetourné pour Netflix, le film ultime du confinement avec Mélanie Laurent.

A 46 ans, Aja prend du recul et laisse derrière elle le gore qui tache pour une belle fable post-apocalyptique, avec néanmoins quelques séquences authentiquement terrifiantes. Il était une fois, au cœur d’une forêt sombre, après la fin du monde, une mère étrange et possessive. Jouée par Halle Berry, June protège ses deux garçons en les confinant dans une maison isolée. Ils cherchent de quoi survivre dans la forêt, constamment reliés à la maison par une corde. Car, selon la mère, la cabane serait le seul endroit où la famille serait à l’abri du « Mal » qui règne désormais et des étranges créatures qui hantent cette terre désolée…

Dans ce conte de fées aux lumières sculptées et aux ombres menaçantes, Alexandre Aja crée une atmosphère infernale, dévoilant une créature tentaculaire, un possédé dégoulinant… Ça suinte, ça ruisselle, et le spectateur est emporté entre deux coups du sort, doutant de chaque image, se demandant sans cesse si le monde est vraiment devenu un enfer ou si les enfants ne sont pas prisonniers d’une mère folle. Pour en savoir un peu plus, nous avons rencontré notre experte en frissons qui, entre deux projets américains, se confie sur Pointe Pop dans un bar près de Montparnasse où il a ses habitudes…

Le point pop : Pourquoi retourner au cinéma après l’expérience ? Oxygène sur Netflix ?

Alexandre Aja : Financé par Netflix France, Oxygène a eu un énorme succès dans le monde entier. C’était une belle expérience pour moi, mais je pense qu’aujourd’hui, on ne choisit plus entre Netflix et le cinéma. Certains de vos projets finissent en salle, d’autres sur des streamers, comme Netflix. Mais le cinéma, c’est fabuleux !

Quelle est la genèse de Mère Terre ?

Aux États-Unis, je reçois beaucoup de scénarios, de livres, de nouvelles. Un jour, 21 Laps, la boîte de Shawn Levy (Deadpool et Wolverine) qui a produit Choses étrangesm’a envoyé un scénario de KC Coughlin et Ryan Grassby. Quand je l’ai lu, j’ai été extrêmement surpris car il m’avait été présenté comme une sorte de Sans un bruit ou de Nichoir à oiseaux. Et c’était beaucoup plus profond, sur la relation d’une mère avec ses enfants et l’existence du mal. J’ai trouvé qu’il y avait quelque chose de très intéressant dans l’ambiguïté de l’amour maternel qui peut être à la fois protecteur et toxique. J’ai aussi aimé la poésie de certains dialogues, tout cela m’a rappelé un conte de fées classique.

Avec ce film, vous aviez envie de prendre un peu de recul ?

Tu sais, on ne choisit pas. Soit je tombe amoureuse de l’histoire, soit je ne le fais pas. Mère Terre est un conte de fées, une fable, et deux de mes films m’ont conduit à celui-ci. Il y a Cornesavec Daniel Radcliffe, une fable moderne, avec une réflexion sur le mal. Et un autre film qui n’est pas sorti en salles, La Neuvième Vie de Louis Draxqui peut être trouvé en DVD chez Carlotta. Donc Mère Terre n’était pas si loin de mon univers.

Nous vivons dans un monde de confusion, de guerre, de folie… Comment ne pas supposer que le mal existe ?

Pour moi, le mal existe, qu’on y croie ou non. Je suis complètement perméable aux images du monde. Il est difficile d’être vacciné, habitué. Et j’ai l’impression que la fonction du cinéma de genre n’est plus d’être simplement un divertissement, mais d’être un outil presque psychologique pour affronter nos monstres.

Dans les années 1970, dans les films de zombies ou de tueurs en série de Wes Craven ou de Tobe Hooper, la guerre du Vietnam était déjà présente en arrière-plan…

Le film évoque la peur, la paranoïa, l’isolement, le fait de ne pas vouloir croire ou de vouloir croire… J’ai fait plusieurs projections tests du film aux États-Unis. Il y a beaucoup de spectateurs qui y voient une métaphore du Covid, avec la famille isolée, la corde, se poser des questions, le mal qui vous atteint… Pourtant, ce n’était pas du tout pensé. D’autres verront les membres d’une famille noire, isolée du monde, attachés à des cordes, qui ne peuvent pas se libérer. Toutes ces lectures cohabitent.

Comment avez-vous réussi à approcher Halle Berry ?

Elle a lu le scénario en même temps que moi et c’est elle qui nous a approchés. C’était une évidence. On s’est rencontrés et elle voulait s’assurer que je n’allais pas faire de compromis sur le personnage, sa complexité, son côté toxique, son amour absolu, que tout allait être préservé. Elle avait peur du “Hollywood Wash” qui dilue tout.

Dans mes projets, il y a bien sûr « Crawl 2 », qui est déjà écrit, et une adaptation plutôt horrifique de « Fleurs du mal »Alexandre Aja

Est-ce que c’était facile de la diriger, elle n’a pas essayé de prendre le contrôle du film ?

Non, car nous avions la même vision. Travailler avec des gens talentueux, c’est super, évidemment. Mais j’ai eu de la chance, j’ai déjà travaillé avec des actrices comme Marion Cotillard, Cécile de France, Mélanie Laurent, Juno Temple… 50% de la direction d’un acteur, c’est le casting ! J’aime de plus en plus le rapport aux acteurs, et dans les films de genre, c’est l’acteur qui emmène le spectateur de l’autre côté du miroir. L’important, ce n’est pas le zombie ou l’alligator, c’est la personne qui court devant.

La nature et la façon dont vous la filmez sont magnifiques dans votre film… Quelles caméras avez-vous utilisées ?

C’était un tournage de 34 jours à Vancouver. On a vraiment tourné dans une forêt et on a construit une maison là-bas. On voulait être dans une forêt, il n’y a que quelques plans en studio. Donc là, je suis très content. Sur ce film, on a utilisé 65 caméras avec un double capteur, d’où la définition incroyable, comme sur Le Revenant avec Leo DiCaprio ou En Occident, rien de nouveau.

La photo est encore une fois signée Maxime Alexandre, vous travaillez également avec Grégory Levasseur, votre meilleur ami, qui s’occupe de la deuxième équipe… Travaillez-vous toujours en famille ?

Ça change en fonction des projets, ça grandit, mais c’est vraiment sympa d’avoir une vraie famille de cinéma.

Il y a peu d’effets spéciaux, du maquillage époustouflant, quelques images de synthèse.

Je recherchais l’élégance d’un film des années 70, comme ceux de Nicolas Roeg ou de John Boorman. Je ne voulais pas dépendre des effets spéciaux. J’ai travaillé avec le Canadien Adrien Morot, avec qui j’avais déjà collaboré sur CrawlL’idée n’était pas d’en faire trop, contrairement aux films d’horreur classiques.

Avez-vous des projets ?

J’ai toujours deux ou trois scénarios en développement en même temps. Pour Cobra, l’adaptation du manga de Buichi Terasawa, c’est difficile. C’est un film très cher et on s’est fait couper l’herbe sous les pieds par Les Gardiens de la Galaxie et le La Guerre des étoiles. Et aux États-Unis, Cobra est complètement inconnu. Dans mes projets, il y a bien sûr Ramper 2, qui est déjà écrit, et une adaptation plutôt horrible de Les fleurs du malsur la vie de Baudelaire et de Jeanne Duval.

Mère Terre d’Alexandre Aja. Au cinéma.


Anna

À chaque coup de stylo, créez des histoires captivantes. Découvrez des vérités cachées à la fois. 📝 🔍

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