LLes déclarations du pape sur l’abbé Pierre, au retour d’un voyage de douze jours en Asie du Sud-Est, ont ravivé l’émotion dans une France déjà abasourdie par les révélations successives et terribles qui ont brisé l’image de celui qui avait été si souvent désigné « personnalité préférée des Français » ; de celle, avant tout, dont la voix et l’exemple avaient transformé le regard sur les personnes en situation précaire et avaient encouragé tant de Français à s’engager pour des causes aussi importantes que la lutte contre la pauvreté. « logement insalubre ».
En tant que président de la Conférence des évêques de France, je voudrais partager ici trois convictions et interrogations.
Tout d’abord, il est désormais établi que, dès 1955-1957, au moins certains évêques savaient que l’abbé Pierre avait un comportement grave envers les femmes. Des mesures ont été prises, y compris un traitement psychiatrique. Elles peuvent être considérées comme insuffisantes, et il est regrettable qu’elles soient restées très confidentielles. Elles constituent cependant une réaction forte au regard des manières de faire de l’époque, dans l’Église sans doute, mais aussi dans la société tout entière.
Un assistant (socius), en particulier, fut imposée à l’abbé Pierre. Il semble que l’abbé Pierre ait été ingénieux pour tromper cette surveillance. Les questions doivent être posées sérieusement : socius A-t-il fait des rapports ? Si oui, à qui ? Que dit-il ? Combien de temps dura cette mission ? Que se passa-t-il lorsque le prêtre ainsi nommé se retira ou mourut ? Au cours des cinquante années qui suivirent, comment se transmettirent les préoccupations à son égard et les mesures à prendre à son égard ?
C’est pour contribuer à éclairer ces questions et d’autres que la Conférence des évêques de France, comme je l’ai annoncé jeudi 12 septembre, a décidé de lever le délai de communicabilité des archives dont elle a la garde concernant l’abbé Pierre. J’exprime aussi respectueusement le souhait que le Vatican entreprenne une étude de ses archives et dise ce que le Saint-Siège savait et quand il l’a su.
Je réaffirme ici le travail de l’Église en France pour que la vérité soit faite sur les faits d’agressions et de violences sexuelles ainsi que sur les faits de contrôle spirituel, et pour revoir son fonctionnement. J’appelle toutes les autres institutions et organisations à faire de même. Nous le devons aux victimes.
Les victimes peuvent enfin s’exprimer
Deuxièmement, il est également désormais établi qu’il était connu, au moins dans certains cercles d’Emmaüs, que l’abbé Pierre était encore vivant et devait être surveillé car il était dangereux pour les femmes qui l’approchaient. Pourtant, de nombreuses biographies détaillées ont été écrites sur l’abbé Pierre et des films ont été réalisés sur lui, de son vivant et après sa mort. Aucune de ces études, aucun de ces films ne suggère qu’il se soit livré à des agressions sexuelles. Cela doit être remis en question.
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