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Jean-Jacques Annaud parle du tournage de son film “Le Nom de la Rose”

Trente-huit ans après sa sortie en salles, Le nom de la rose de Jean-Jacques Annaud, adapté du chef-d’œuvre du même nom d’Umberto Eco, fait à nouveau l’actualité en cette année 2024. Il a été réédité dans les salles françaises en version restaurée, attirant plus de 31 200 spectateurs qui s’ajoutent aux près de cinq millions de personnes venues pour la première sortie. Une version restaurée également disponible le 3 mai dans un coffret Blu-ray enfin digne de ce nom.

franceinfo : On imagine que cela vous a ému de revoir votre film dans une version « améliorée » ?

Jean-Jacques Annaud : En fait, j’étais très contrarié que pendant dix ans le film ne puisse plus être vu nulle part : les droits n’avaient pas été renouvelés, une héritière ne voulait pas que le film sorte. Et on m’a proposé une adaptation en série que je n’avais pas envie de faire, car il aurait été difficile de passer à autre chose après une telle aventure. Mais j’étais malheureux, car mes autres films continuent, grâce à Dieu, à être projetés encore et encore à la télévision dans le monde entier, mais pas ce film que j’ai particulièrement aimé faire et qui a été très difficile à monter, pour lequel j’avais été demandé à Ailleurs prédit un échec retentissant.

Je dois cette sortie à la compagne d’Umberto Eco, Renate, avec qui je suis resté ami, mais aussi à son fils, qui fut l’un de mes stagiaires sur le tournage du film, allié au dynamisme de TF1 éditions. Et j’ai redécouvert mon film sur la place principale de Bologne, en plein air, devant 4 500 personnes. Et je dois dire que j’ai été particulièrement surpris de retrouver l’image que j’avais en tête pendant le tournage, mais jamais vue sur un écran. La restauration est fantastique et l’image est d’une qualité exceptionnelle.

Une des qualités du film, et ce qui le rendait moderne, était de mélanger les genres : film historique et religieux en costumes, thriller, « buddy movie », avec aussi une pointe de comédie. En aviez-vous conscience en le faisant ?

Oui, j’adore ça, le mélange des genres, d’autant plus que je suis passionné de musique. Et en musique classique par exemple, après un mouvement lent, il faut un mouvement rapide, et ainsi de suite. C’est pareil au cinéma, après une scène tragique ou dangereuse, il faut de la légèreté, pour faire passer le public du rire aux larmes. Certains cinéastes n’osent pas, mais en trois minutes, on peut effectivement faire basculer une salle de cinéma dans un sens ou dans l’autre. Parfois les gens qui découvrent mes scénarios me disent : “Es-tu sûr d’être là pour la scène comique au milieu de la tragédie ?” Mais j’adore ça, même au montage : j’aime changer de ton, sans parler de changer de film.

Votre casting est riche, international et multilingue : Sean Connery, Christian Slater, F. Murray Abraham, Michael Lonsdale, Ron Perlman, Valentina Vargas, etc. Beaucoup de « personnages ». A l’écran c’est extrêmement fluide, mais on imagine que sur le plateau c’était une autre affaire ?

Les acteurs aiment être confrontés à des choses différentes, et l’un des charmes du tournage était de voir le jeune Christian Slater, qui n’avait rien fait auparavant, face à un grand professionnel (Sean Connery) et des acteurs expérimentés. Et les acteurs allemands étaient ravis de jouer avec des Italiens, etc. C’est comme un cuisinier qui teste une recette en mélangeant plein d’ingrédients différents. Les débutants apportent une fraîcheur extraordinaire, alors que si on ne réunit que des pros, cela devient une sorte de routine. Désormais, Slater était presque amoureux du grand acteur Connery, qui avait déjà réalisé 70 films. Et cela élève tout le monde.

Je crois que vous avez dit que travailler avec F. Murray Abraham (Scarface, Amadeusentre autres) était compliqué…

Oh oui, c’était un terrible salaud.

(Rires) Alors c’est dit, vous le confirmez. Mais Sean Connery alors ? On a lu un peu de tout et de n’importe quoi en retrouvant vos interviews en ligne, ce qui montre que ça n’a pas été simple.

C’est totalement faux. J’insiste, c’était un délice. Mais il y a bien eu le désormais célèbre épisode dit des « chaussettes ». C’était je pense le deuxième jour de tournage, j’étais en haut de la tour que j’avais construite exprès pour le film, et je vois des choses bleues sous sa robe de moine, alors je descends, je retrouve Sean sur le chemin, et Je lui demande ce que c’est, il me répond : “Votre costumière les a tricotés pour moi.”. Et je lui dis : “Mais les franciscains n’ont pas de chaussettes”, il me répond que ce franciscain, oui.

Je lui explique alors que son personnage a lui-même fait vœu de pauvreté, il marche donc pieds nus, éventuellement avec des sandales, mais de peau non bronzée. Il le prend mal, il enlève ses chaussettes, les jette par terre en disant : “Je déteste ces putains de moines”. C’est la première fois qu’il y a un petit geste de colère, de ma part.

« Travailler avec lui, c’était comme conduire une Rolls : tout était facile, il connaissait ses répliques et connaissait ses mouvements par cœur, il a une voix superbe et disait ses répliques avec une élégance incroyable. C’était un rêve et l’une des plus belles directions d’acteur que j’ai jamais eu, et nous sommes restés en contact pendant longtemps.”

Jean-Jacques Annaud sur Sean Connery

sur franceinfo

Et dans votre filmographie désormais très fournie, comment la classeriez-vous, Le nom de la rose ? Est-ce l’un de vos favoris ou les difficultés de production vous ont laissé un goût un peu amer ?

Non, je n’ai aucune amertume, j’ai pu travailler avec une immense liberté. Par exemple, j’adorais tourner dans des décors construits, comme j’ai pu le faire quelques années plus tard pour mon film Stalingrad. Par contre, je regarde rarement dans le rétroviseur, le seul film qui m’intéresse c’est le suivant. Et je regarde rarement mes films, je le fais surtout quand je dois commenter les bonus des DVD. Mais je reste très attaché à Nom de la Rose. Ce que j’ai aimé par dessus tout, c’est de collaborer avec Umberto Eco. Il était d’une telle intelligence, d’un tel humour, d’une telle richesse de pensée, que cela restera un souvenir inoubliable.

Juliette

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