« Uune décision historique qui, je l’espère, sera la première d’une longue série. Ainsi Me Anthony Reisberg, avocat de la Jeunesse juive française, à l’origine de la plainte déposée contre Jean-Paul Delescaut, secrétaire général de l’Union départementale de la CGT du Nord, s’est félicité ce jeudi 18 avril de la condamnation de ce dernier à un an de prison. Avec sursis pour « apologie du terrorisme ».
Le tribunal correctionnel de Lille (Nord), qui n’a pas retenu la qualification de « provocation à la haine raciale », a jugé que l’organisation syndicale avait franchi les limites de la liberté d’expression en écrivant dans un tract de « soutien aux Palestiniens ». six jours après les attaques meurtrières perpétrées en Israël par le Hamas le 7 octobre : « Les horreurs de l’occupation illégale se sont accumulées. Depuis samedi, ils reçoivent les réactions qu’ils ont suscitées. »
La même peine que celle prononcée a été requise par le parquet lors de l’audience du 28 mars. Un rassemblement de soutien au prévenu a été organisé ce jour-là devant le palais de justice ; une pétition en ligne avait encore circulé en sa faveur, signée notamment par Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, le président de LFI Jean-Luc Mélenchon et plusieurs députés de ce mouvement, ou encore le secrétaire général du Parti communiste français, Fabien. Roussel.
Une cinquantaine de plaintes visant différentes personnalités, partis et mouvements
Pour l’association plaignante, soutenue par un collectif d’une cinquantaine d’avocats de tous les barreaux de France, ces propos “constituent clairement le délit d’apologie du terrorisme”, puni de sept ans d’emprisonnement maximum et de 75 000 euros d’amende, lorsqu’ils sont relayées sur Internet, ce qui était le cas en l’espèce.
« Le soutien au peuple palestinien et la critique de la politique menée par le Premier ministre israélien sont parfaitement admissibles dans une démocratie. Ce qui ne l’est pas, c’est légitimer, en l’assimilant à un acte de résistance, une action qui a conduit au massacre de plus d’un millier de civils, hommes, femmes et enfants, dans le but de faire régner la terreur et de commettre des horreurs, réagit Me Reisberg. Malheureusement, comme nous l’avons vu dans cette affaire, ceux qui se prétendent antisionistes ont beaucoup de mal à cacher leur soutien aux mouvements terroristes visant la destruction de l’État d’Israël, comme le préconise la Charte du Hamas. »
Le mouvement de la Jeunesse juive française, soutenu par M. Reisberg, a déposé une cinquantaine de plaintes au total, visant différentes personnalités, partis et mouvements comme le NPA, le collectif « La Palestine vaincra », l’Union juive pour la paix ou le Parti. des Indigènes de la République. D’autres procès pourraient suivre celui de Jean-Paul Delescaut.
« Égalité de considération » pour les victimes et les terroristes
L’article 421-2-5 du Code pénal punit le fait de « provoquer directement des actes de terrorisme ou d’encourager ces actes » ; le texte ne définit pas précisément les excuses, mais la jurisprudence en a précisé les contours. La Cour de cassation considère ainsi qu’il y a excuse lorsqu’une personne fait preuve d’une « égale considération pour les victimes et les auteurs » – d’un attentat en l’espèce.
Dans sa décision rendue en 2002 contre le général Aussaresses, qui avait défendu la torture dans un livre, le tribunal correctionnel de Paris a apporté les précisions suivantes : « Une excuse est un discours qui présente un crime de telle manière que le lecteur est incité à faire un discours. jugement de valeur favorable à son encontre, effaçant la désapprobation morale qui, par la loi, s’attache à lui. « Le désir de justifier est l’élément de la qualification pénale de l’excuse », écrit-il dans son Pratique du droit de la presse (éd. Dalloz) avocat Christophe Bigot.
Le grand pénaliste André Vitu nous éclaire, dans son Traité de droit pénal spécial (Cujas, 1982), cette notion juridiquement complexe : « Tandis que provocation tend à obtenir la commission d’un acte criminel (meurtre, suicide, violences, etc.), leexcuses (terrorisme, crimes contre l’humanité, viols et atteintes à la vie, etc.) n’agit qu’indirectement, semant dans l’opinion publique les germes d’une grave détérioration du sens moral ou civique, ou perturbant les esprits”.
La CGT, dans son tract, a-t-elle contribué à « perturber les esprits » ? Oui, a répondu le tribunal de Lille, dont le jugement, qui n’a pas encore été publié, sera scruté par des spécialistes du droit de la presse et de la communication.
Le secrétaire départemental de la CGT dispose de dix jours pour faire appel.