Jordan Bardella est en tête des sondages, mais il voit des ennemis tout autour de lui. Abstention, dispersion des voix, obsession présumée d’Emmanuel Macron pour l’extrême droite, audiovisuel public désireux d’enquêter sur un parti entouré d’affaires judiciaires : le président du Rassemblement national (RN) a consacré une bonne partie de son discours du 1er mai, délocalisé à Perpignan , pour cibler les obstacles à l’accession de l’extrême droite au pouvoir. Avec, en tête et dans les mots, 2027 et l’Elysée en ligne de mire, bien plus que le mois de juin et l’hémicycle de Strasbourg.
Les élections européennes approchent et Jordan Bardella préfère désormais parler de tout sauf de l’Union européenne. Le successeur de Marine Le Pen n’a jamais évoqué les subtils équilibres qui régissent le Parlement européen. Mais au moins a-t-il pris soin, au début de la campagne, d’insister sur l’avènement rêvé d’un « L’Europe des Nations »contrairement à un modèle incarné par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, accusée « pour organiser l’effacement des peuples et des nations ».
À moins de quarante jours du scrutin, les questions communautaires ont définitivement été reléguées au second plan par la tête de liste frontiste, obsédée par “mobilisation générale” de ses troupes lors d’une élection qu’il considère comme une étape décisive vers la prochaine élection présidentielle.
« Pour tout patriote français, participer à cette élection est un devoir, un commandement »a lancé l’eurodéputé, craignant que les bons présages des sondages – 32%, selon la quatrième vague de l’enquête électorale menée par Ipsos, en partenariat avec le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), l’Institut Montaigne, le Jean Fondation Jaurès et Le monde – ne démobilise pas certains électeurs. Pour ceux-ci, a-t-il estimé, « ne pas voter, c’est voter Macron ».
Surtout, Jordan Bardella a touché presque tout le spectre politique. Aux électeurs d’Eric Zemmour, le président de la Reconquête ! : « La France n’a plus le temps de voir ses voix patriotiques se disperser. Vous craignez les inondations migratoires, alors votez pour ceux qui peuvent les arrêter. » Aux partisans de la droite : « Vous êtes attachés au travail, au mérite, à l’autorité, à l’ordre, à une certaine idée de la France : regardez qui a repris le flambeau. »
Le patron du RN a même interpellé « Des Français qui ont depuis longtemps le cœur à gauche et qui désespèrent de voir la gauche perdre sa boussole républicaine »dépeignant Jean-Luc Mélenchon comme « ingénieur du chaos ». Une reprise incongrue du titre de l’ouvrage de Giuliano da Empoli (JC Lattès, 2019), dans lequel l’écrivain italo-suisse analyse les différents profils – informaticiens, militants politiques, communicants, blogueurs, polémistes – à l’œuvre pour surfer sur le colère des électeurs et porter au pouvoir certains amis ou modèles du RN, en Hongrie (Viktor Orban), aux Etats-Unis (Donald Trump) ou en Italie (Matteo Salvini).
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