A chaque campagne électorale a son champion de l’évitement. Lors de l’élection présidentielle de 2022, le candidat Macron a été largement critiqué pour s’être caché derrière la guerre en Ukraine pour ne pas entrer dans l’arène électorale, en disant le moins possible sur ses projets et sa vision car cela risquait de déséquilibrer son « à la fois » et lui faire perdre des électeurs des deux côtés. A l’époque, sa stratégie s’est avérée payante : le président sortant a été réélu en tirant le meilleur parti de l’effet de frais généraux que lui offrait sa position. Les deux années qui ont suivi ont cependant montré à quel point une campagne bâclée peut avoir un coût en termes de perte d’élan et de montée des protestations.
Cette fois, l’homme qui pratique l’évitement est Jordan Bardella. Le président du Rassemblement national (RN), qui porte la liste de son parti aux élections européennes du 9 juin, ne cherche en aucun cas à crédibiliser son projet, qui consiste à être à la fois pour et contre, prônant « l’Europe des nations » mais vouloir faire de Frontex une agence de lutte contre l’immigration clandestine, se défendre de toute soumission à la Russie de Vladimir Poutine mais refuser de voter au Parlement européen la moindre aide à l’Ukraine.
Depuis son entrée en campagne le 3 mars à Marseille, la tête de liste du parti d’extrême droite se comporte comme si parler le moins possible de la question européenne était le meilleur moyen d’éviter les problèmes.
À trois reprises, Jordan Bardella a refusé de débattre avec ses adversaires. Jeudi 25 avril, il a quitté une conférence de presse qu’il avait convoquée pour contrer celle d’Emmanuel Macron sans se prêter au jeu des questions-réponses avec les journalistes, sous prétexte que le président de la République n’avait pas daigné le faire. Quelques jours plus tard, il invoquait des soucis de santé pour gommer la mauvaise impression laissée par la séquence.
Devenu le roi de l’esquive, Jordan Bardella pratique également l’art du défaussement. On ne sait toujours pas ce qu’il compte faire de son gênant allié allemand au Parlement européen, l’AfD, dont la tête de liste est dans le collimateur de la justice pour ses liens avec la Chine et la Russie. Pour quiconque prétend vouloir gouverner un jour le pays, ce n’est pas très rassurant ; pour ceux qui prétendent respecter le peuple, il n’y a rien non plus de très attirant.
Référendum anti-Macron
L’évitement de Jordan Bardella pourrait être attribué à sa jeunesse. A 28 ans, on ne peut pas tout contrôler et c’est normal : du « non à l’euro » au « oui mais », la doctrine européenne du RN a tellement fluctué ces dernières années qu’il y a quelque chose à perdre. son latin. Mais on pourrait tout aussi bien invoquer l’hubris, ce sentiment de toute-puissance qui s’empare un jour ou l’autre de l’homme politique et le conduit au surplomb. Candidat pour la première fois à 23 ans, chef du parti à 25 ans, star du réseau social TikTok aux plus d’un million de followers, l’homme occupé du RN a quelques raisons d’avoir la grosse tête, mais ce n’est pas ça non plus.
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