Alors que le gouvernement espagnol, dirigé par le socialiste Pedro Sanchez, a essuyé un revers lors des élections régionales du 28 mai, le pays s’apprête à prendre la présidence tournante du Conseil de l’UE. Cette dernière s’annonce compliquée après la convocation d’élections législatives anticipées le 23 juillet. Le ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel Albares est l’invité d’Ici l’Europe pour évoquer les priorités de l’Espagne pour les six prochains mois, la montée de l’extrême droite dans le L’UE, l’aide européenne à l’Ukraine et les conséquences de la guerre.
« Nous serons aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire »
La destruction du barrage de Kakhovka a inondé une superficie de plus de 600 km² dans le sud de l’Ukraine. et les Russes et les Ukrainiens s’accusent mutuellement. José Manuel Albares condamne fermement cette attaque : « La destruction d’infrastructures civiles est totalement contraire au droit international humanitaire. Même les guerres ont des lois (…). Par conséquent, nous voulons qu’il y ait une enquête, et que les coupables de ce crime (…) en répondent devant la justice internationale. L’Espagne s’est engagée auprès du procureur Kahn de la Cour pénale internationale à faire la lumière sur ce crime et à ce qu’il n’y ait pas d’impunité ».
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déploré le manque d’aide humanitaire de l’UE, mais le ministre espagnol l’assure : « Nous serons aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire ». José Manuel Albares insiste sur le renforcement du paquet d’aide humanitaire de son pays pour l’Ukraine, qui représente déjà quelque 300 millions d’euros, « le plus gros paquet d’aide humanitaire que nous ayons jamais donné dans notre histoire à un pays », et il exhorte l’UE à « faire de même ».
Mais en plus de cette aide humanitaire, l’Ukraine demande également à l’Espagne de lui fournir des missiles anti-aériens Patriot. José Manuel Albares rappelle que l’Espagne fournit déjà « plusieurs systèmes de défense anti-aérienne » et va « étudier toute demande qui viendrait de l’Ukraine en accord avec nos partenaires européens », afin qu’elle puisse « défendre sa souveraineté, son intégrité territoriale et puisse défendre des innocents ». civils ».
Montée de l’extrême droite en Europe : « Il faut stopper cette vague »
Arrivé derrière le Partido Popular aux élections régionales du 28 mai (28 % contre 31 %), le PSOE de Pedro Sanchez ne contrôle qu’une des dix grandes villes du pays et quatre régions sur dix. José Manuel Albares salue la décision « très démocratique » du Premier ministre socialiste de convoquer des élections législatives le 23 juillet, « dans les plus brefs délais », afin de connaître la position nationale de son parti et d' »avoir une voix forte pendant la présidence ». de l’Union européenne de la part de l’Espagne ».
Il rappelle, par ailleurs, que « le Partido Popular, là où il a gagné, était très légèrement en avance » sur le PSOE et ne peut former des gouvernements qu’à travers une coalition avec Vox, le parti d’extrême droite. Il met donc en garde les Espagnols : cette coalition d’une droite radicalisée avec une extrême droite, « dont de nombreux objectifs sont contraires à l’essentiel de l’Europe aujourd’hui », va mettre un coup d’arrêt aux progrès réalisés par le gouvernement socialiste « avec une croissance double celle de l’Union européenne, une inflation inférieure à celle du reste de l’UE.
Mais l’Espagne n’est pas le seul pays de l’UE à connaître une montée de l’extrême droite : la Grèce, la Finlande, la Suède, l’Italie sont autant d’exemples de gouvernements de coalition droite-extrême droite. Le ministre espagnol le regrette et y voit le signe que « les valeurs de l’Europe sont remises en cause (…). Et nous devons arrêter cette vague ». Il rejette cependant l’idée que les Européens n’adhèrent plus aux valeurs européennes « d’égalité, de pluralité et d’État de droit », car elles sont, selon lui, « le moteur de la paix, de nos démocraties et de notre systèmes économiques ».
Plusieurs priorités pour la présidence espagnole du Conseil de l’UE
Les élections législatives espagnoles tomberont trois semaines seulement après l’accession du pays à la présidence tournante du Conseil de l’UE, le 1er juillet et pour six mois, au risque de provoquer un certain immobilisme pour ce mandat. Ce n’est pas l’avis de José Manuel Albares, en charge de cette présidence, qui rappelle que la France a eu des élections présidentielles et législatives durant sa présidence, « et ce fut un succès ». Il affirme que la présidence espagnole « sera un grand succès pour l’Europe ». « Nous aurons besoin des 26 autres et du Parlement européen, mais toute l’énergie, toute la volonté politique de l’Espagne travailleront pour en faire un succès », confie-t-il.
Des textes très importants seront à l’ordre du jour de ces six mois : la révision du marché de l’électricité, le plan de 500 millions d’euros de production de munitions en Europe pour l’Europe et l’Ukraine, la révision du pacte de stabilité et de croissance… En raison des élections de juillet Le 23, le Premier ministre a reporté à septembre l’annonce des priorités de la présidence espagnole. Mais les grands thèmes « sont déjà assez clairs », selon José Manuel Albares : ramener la paix en Europe, protéger les citoyens et faire face aux conséquences économiques et sociales de cette agression russe en Ukraine, réindustrialiser l’Europe, renforcer la compétitivité de l’UE et de ses entreprises, facilitant l’accès au logement des jeunes, travaillant sur l’égalité femmes-hommes, sur les personnes en situation de handicap et « regardant vers l’extérieur », car « l’Europe a besoin d’amis et d’alliés dans le monde ».
Par ailleurs, les 17 et 18 juillet prochains se tiendra pour la première fois depuis des années le sommet UE-CELAC (Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes). Mais le plan de la Commission européenne pour un grand pacte avec le Mercosur – Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay – est au point mort car les écologistes l’accusent d’être trop polluant et la France traîne les pieds. José Manuel Albares assure que cet accord de coopération avec l’Amérique latine est l’une des priorités de l’agenda européen, car l’Amérique latine et l’Europe « sont très proches, car l’Amérique latine, comme nous, croit au multilatéralisme, rejette la guerre comme mode de règlement des conflits ». entre États », explique José Manuel Albares. « Elle adhère à nos valeurs. (…) et si nous ne voulons pas voir l’Amérique latine se tourner vers d’autres partenaires, nous devons leur offrir un engagement politique fort, y compris l’accord avec le Mercosur.
Coopération franco-espagnole sur l’énergie et la question migratoire
En tant que pays frontaliers, l’Espagne et la France coopèrent sur de nombreux sujets. Ils ont récemment poussé ensemble pour que le calcul du prix de l’électricité soit découplé de celui du gaz – sans avoir gain de cause. Mais ils ont obtenu que les installations d’énergies renouvelables espagnoles et les centrales nucléaires françaises soient mieux prises en compte et puissent faire l’objet d’investissements et de contrats à long terme.
Un compromis qui ne déplaît pas à José Manuel Albares, pour qui l’important est avant tout que l’Europe ne se retrouve plus dans la situation du 24 février 2022, avec le chantage russe au gaz. Il faut donc, selon lui, « réformer le marché européen de l’énergie, mettre en place des interconnexions et pousser vers les renouvelables – car la part des renouvelables fera partie de notre souveraineté énergétique – et maintenir des mécanismes comme le plafonnement du prix du gaz, car chaque pays a besoin d’une structure énergétique mixte.
Autre enjeu de la coopération franco-espagnole : la question migratoire. La police espagnole a récemment ouvert une enquête interne contre un officier supérieur de la ville basque d’Irun, frontalière de la France, soupçonné d’avoir fixé des jours de repos pour ses troupes en fonction du nombre de migrants arrêtés. La France a renforcé ses contrôles aux frontières, où une dizaine de personnes sont mortes en deux ans.
Le ministre espagnol des Affaires étrangères assure que « l’Espagne et la France sont très proches et se parlent très souvent » sur ces questions. Il souligne également qu’il y a eu « une baisse de 80% des entrées irrégulières en Espagne par rapport à 2022, et c’est la seule voie d’entrée en Europe où il y a une baisse, surtout de ce niveau, grâce à la coopération avec les pays d’origine et de transit ». ”. Enfin, il tient à souligner que son gouvernement « croit très fermement que l’espace Schengen est une réalisation européenne qu’il faut préserver. C’est un véritable atout pour nos concitoyens et, par conséquent, nous refusons toute entrave à la libre circulation au sein de Schengen ».
Emission réalisée par Sophie Samaille, Juliette Laurain et Perrine Desplats.
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