Judith Godrèche a reçu une standing ovation du public lors de la projection de son film « Moi aussi » sur la plage

Avant et après la présentation de son court métrage, la cinéaste est venue saluer son public et remercier ceux qui ont traversé la France pour assister à ce moment. Récit d’une soirée projection très particulière sur la plage.

France Télévisions – Culture Edito

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Judith Godrèche et l'équipe du film accueillent le public au Cinéma de la plage au Festival de Cannes, le 15 mai 2024 (LCA / FRANCEINFO CULTURE)

C’était la projection que beaucoup de femmes – et d’hommes – attendaient en ce début de quinzaine du Festival de Cannes. Le court métrage de 17 minutes de Judith Godrèche, Moi aussia été présenté ce mercredi 15 mai au Cinéma sur la Plage, en ouverture de la séquence consacrée au film Silex et la villedu réalisateur et auteur de bande dessinée Jul.

La plage est le lieu où le grand public peut avoir accès à certains films de la sélection. Gaëlle, de Cannes, est venue avec son mari pour cela. « Et de soutenir la cause, parce que ça me parle », elle dit. Les premières lignes sont occupées par des femmes clairement impliquées dans le mouvement MeToo. Parmi ceux qui chantent « Merci Judith »Anaïs, des Hautes Alpes, ne tarit pas d’éloges sur le cinéaste : « C’est notre drapeau commun, notre point commun, notre Statue de la Liberté, elle nous pousse ! » elle dit. Non loin de là, Anne a parcouru 750 km depuis l’Yonne pour y être. Parce que, dit-elle, « Nous voulons changer les choses pour qu’aucun enfant, aucune femme et aucun homme ne soient violés. Judith a fait un film pour ça, pour que nous ne soyons plus jamais silencieux. ».

Judith Godrèche salue le public avant le début de la projection, le 15 mai 2024 (LH / FRANCEINFO CULTURE)

Judith Godrèche est acclamée comme une rock star lorsqu’elle apparaît sur scène, entourée de l’équipe du film. « Je suis très fier de partager ce moment avec vous »elle dit. « Très fier d’être ici au Festival de Cannes, ce lieu qui ancre à jamais le cinéma dans l’histoire du cinéma. Dans ce lieu où les plus grandes stars, les gens que tout le monde admire, montent les marches. J’ai monté les escaliers ce soir et ça c’était à toi que je pensais ». Le réalisateur enchaîne devant des spectateurs ravis. «C’est la projection dont je rêvais», dit-elle. « Merci d’être venus soutenir ce projet qui n’existerait pas sans vous. Et vous êtes les stars de ce film. Alors venez! »harangue-t-elle joyeusement, avant de se diriger vers le Palais des Festivals où le film est présenté dans la section Un certain regard.

Un silence religieux s’impose immédiatement. « A trois ans, un homme est entré dans la pièce, j’ai peur de lui. A six ans, j’ai été maltraitée par mon beau-père. (…) A dix ans, j’ai été violée(e) en pleine campagne par un cousin de mes amis j’avais quinze ans, j’étais en vacances à Paris avec mon oncle, j’ai dit non plusieurs fois, mon oncle.. Une voix féminine lit les témoignages qui se succèdent, sobrement, distinctement. D’abord lentement, puis plus rapidement jusqu’à ce que ces voix se chevauchent et se fondent dans un brouhaha monstrueux et inaudible, mettant en lumière le nombre de violences sexuelles commises. Coup de poing.

Le film

CONTREC’est sans doute l’un des passages les plus marquants du film de Judith Godrèche qui n’est ni un documentaire, ni une fiction, ni un clip, simplement une création de cinéma. Aux voix des témoignages, les images d’une jeune femme, l’actrice Tess Barthélemy, fille de Judith Godrèche, évoluant tant bien que mal dans une foule compacte de femmes et quelques hommes de toutes générations. Vêtue d’une robe blanche candide, elle mime tour à tour le dégoût en s’essuyant les lèvres, la honte en se couvrant le visage et le besoin d’évacuer, de tout sortir, à travers les bras tendus.

Elle est rejointe par des gens de la foule. Ensemble, on fait semblant de se taire, de s’arrêter, puis on se murmure à l’oreille, on se regarde. On crie, on rit, on danse, on se réconforte dans les bras de son voisin. La remarquable chorégraphie d’Eva Galmel dessine un mouvement qui plonge dans l’intimité des témoignages.

Ce sont ceux que Judith Godrèche collectionne depuis la création en février dernier de son adresse email à la liberté d’expression. « En deux semaines, j’ai reçu 500 témoignages » dit-elle dans l’une des scènes du film. « J’ai fait à tous ces gens la promesse d’un projet qui leur rendrait hommage« . Un millier de femmes parmi tous les contributeurs apparaissent dans le film. Une scène finale est saisissante : la musique s’est arrêtée, au seul bruit des pas de la foule, ces femmes et ces hommes, l’air sérieux, sérieux ou joyeux, avancent tout droit pendant plusieurs longues minutes. Un signe, sans doute, d’un changement.

A la fin de la projection, les applaudissements continuent et l’émotion est grande chez de nombreux spectateurs. Certains ne trouvent pas les mots pour nous parler. De retour sur scène, le réalisateur est accueilli par de nouveaux « Merci Judith ». Et il leur dit à son tour : « Vous êtes venus de toute la France pour cette soirée ! C’était beau, n’est-ce pas ? Et ceux qui étaient dans le film, vous avez aimé ? »

Le public de la plage fait une standing ovation à Judith Godrèche le 15 mai 2024 (LCA/FRANCEINFO CULTURE)

Maya, de Lille, qui faisait partie du projet et que l’on voit à l’écran, est venue nous parler. « Judith Godrèche réussit à rendre beau le laid !elle s’enthousiasme : «C’est une fée qui a su nous embarquer»Elle ajoute, « et il fait ce que des décennies de gouvernements n’ont pas réussi à faire contre ce crime de masse. C’était urgent ».