P.Pour comprendre le réchauffement climatique, les économistes utilisent ce qu’on appelle des « modèles d’évaluation intégrés » (modèles d’évaluation intégrésIAM en anglais) : « intégrés », car ils combinent des éléments issus de différentes disciplines, économie, systèmes énergétiques, sciences du système Terre, etc. Ces modèles ont acquis une certaine visibilité de par leur rôle dans le processus d’expertise du groupe III du GIEC, chargé d’étudier solutions au réchauffement climatique.
Ce ne sont pas des modèles de prévision, mais ils sont conçus pour explorer l’avenir. Que se passe-t-il si l’on développe plus ou moins vite l’énergie solaire ? Et si on arrêtait la déforestation ? Si l’énergie nucléaire échoue ? Ou encore, que faire, dans quels délais et à quel prix pour limiter le réchauffement à +1,5°C ou +2°C ?
L’évaluation intégrée est devenue une discipline à part entière, avec ses revues et ses carrières, impliquant plus de 1 500 chercheurs et des dizaines d’équipes à travers le monde. Les modèles aux acronymes divers (FAIR, FUND, PACE, Image) deviennent de plus en plus complexes et nécessitent une puissance de calcul croissante. Dans son dernier rapport, le Groupe III du GIEC disposait d’une bibliothèque de 3 131 scénarios générés par plus de 50 familles de modèles.
Malgré cette multiplication scientifique, aucun scénario n’incluait d’hypothèses de désintégration jusqu’à très récemment. Pas même concernant les pays les plus riches, qui, avec leurs infrastructures, ont contribué de manière disproportionnée au réchauffement climatique. C’est d’autant plus étrange que les questions de convergence et de dette carbone sont au cœur des débats internationaux sur le climat.
C’est pour cette raison qu’un article publié dans Recherche sur les systèmes économiques en avril 2024 par neuf jeunes chercheurs est d’une grande importance (« Downscaling down under: against degrowth in Integrated Assessment Models », Jarmo S. Kikstra et coll.). C’est la première fois qu’un modèle d’évaluation intégré explore l’hypothèse du déclin d’un pays riche, en l’occurrence l’Australie. Les auteurs ont généré 51 scénarios avec des taux de croissance allant de +3 % par an à –5 % par an. Le simple arrêt de la croissance du produit national brut (PNB) australien réduit de 40 % les besoins en énergies renouvelables (la production doit encore être quadruplée d’ici 2030…) et réduit l’extraction de minéraux ainsi que l’utilisation de l’énergie de la biomasse. Les scénarios qui réduisent d’un tiers le PNB permettent une réduction rapide des combustibles fossiles.
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