Kamala Harris et son arme

Pendant des années, Kamala Harris a à peine évoqué l’arme qu’elle garde chez elle. Depuis qu’elle a commencé sa campagne, elle a saisi toutes les occasions d’en parler.

« Je possède une arme », a-t-elle répété encore la semaine dernière sur le plateau de la papesse de la télévision américaine Oprah Winfrey.

S’agit-il d’un pistolet, d’un revolver ? On ne le sait pas. La candidate démocrate à la Maison Blanche ne précise ni le type ni le fabricant. On sait seulement qu’elle garde son arme dans un endroit sûr, chez elle en Californie.

« Si quelqu’un entre par effraction dans ma maison, il sera abattu », a déclaré Harris en riant devant une Oprah déconcertée.

Dans un pays régulièrement traumatisé par des fusillades de masse, de nombreux Américains ont été surpris. Le Parti démocrate n’est-il pas censé incarner la lutte contre la violence individuelle par arme à feu ?

Mais, selon trois experts interrogés par l’AFP, la vice-présidente a pesé soigneusement ses mots, dans le cadre d’une stratégie électorale.

– Gâchette fine-

« Kamala Harris veut empêcher ses adversaires de la présenter comme une personne anti-armes à feu. Le moyen le plus simple d’y parvenir est d’annoncer qu’elle possède une arme à feu », explique Joan Burbick, auteur de « Gun Show Nation ».

« C’est très intéressant qu’elle ait plaisanté avec Oprah en disant qu’elle tirerait sur un intrus qui entrerait par effraction. Les démocrates sont perçus comme n’étant pas assez sévères face à la criminalité. Cela va à l’encontre de cette ligne d’attaque », explique Steffen Schmidt, professeur de sciences politiques à l’Université de l’Iowa.

En 2019, Kamala Harris a déclaré aux journalistes : « Je possède une arme probablement pour les mêmes raisons que la plupart des gens : pour ma sécurité personnelle. J’ai été procureur. »

Quatre ans plus tôt, dans une interview à Politico, elle avait confié qu’elle était « une bonne tireuse ».

Dans un pays où critiquer la prolifération des armes à feu peut coûter une élection, le candidat a choisi un colistier au profil rassurant : Tim Walz, originaire du Nebraska, est un passionné de chasse et ancien soldat de la Garde nationale.

Environ un tiers des adultes américains et 40 % des ménages américains possèdent au moins une arme à feu.

Donald Trump posséderait trois armes de poing. Il était titulaire d’un permis de port d’armes à New York qui, selon les médias, a dû être révoqué après qu’il a été accusé et reconnu coupable de falsification de documents comptables.

Le milliardaire, qui a récemment été la cible de deux tentatives d’assassinat, a déclaré mercredi que sa vie était directement menacée par l’Iran. “Je suis entouré de plus d’hommes, d’armes et de fusils que je n’en ai jamais vu auparavant”, a-t-il déclaré.

Le républicain, soutenu officiellement par le principal lobby américain des armes, la National Rifle Association, accuse son rival de vouloir « saisir » les armes des citoyens américains, en violation du deuxième amendement de la Constitution.

Mais la candidate nie catégoriquement une telle intention. Elle se limite à prôner un renforcement marginal de la législation, notamment la généralisation des contrôles des antécédents judiciaires et psychiatriques des acheteurs d’armes.

– Funambule –

Kamala Harris affirme également qu’elle soutient l’interdiction des fusils d’assaut semi-automatiques, mais n’est pas allée jusqu’à préconiser un programme de rachat obligatoire pour ces armes, qui sont parmi les plus meurtrières.

L’ancien procureur joue donc un jeu d’équilibriste sur le sujet de la régulation des armes, qui arrive en septième position parmi les préoccupations des électeurs en vue de l’élection présidentielle de novembre, selon un récent sondage du Pew Research Center.

Les propriétaires d’armes à feu sont deux fois plus susceptibles d’être républicains que démocrates, et les propriétaires d’armes à feu votent massivement républicain, tandis que ceux qui sont en faveur de lois plus strictes sur les armes à feu penchent plutôt pour les démocrates.

« Mais ce sont des tendances, pas des absolus », a déclaré Gregg Carter, professeur émérite à l’université Bryant de Rhode Island. « L’élection de cette année est si serrée que chaque candidat essaie de récolter quelques voix supplémentaires dès qu’il le peut. »

En définitive, selon cet expert, Kamala Harris « risque peu » pour son électorat en affirmant avoir une arme chez elle pour se défendre.

seb/cha