Kate Winslet en femme libre et pionnière du photojournalisme dans « Lee »

Une pionnière qui préférait « prendre des photos plutôt qu’en être une » : dans le film « Lee », Kate Winslet incarne l’Américaine Lee Miller, qui a brisé les conventions pour s’imposer comme une grande photojournaliste du XXe siècle, témoin majeur des atrocités nazies.

Projeté au festival de Deauville avant sa sortie en France le 9 octobre, le film explore une période charnière de la vie de cette femme puissante (1907-1977), ancien mannequin qui a photographié les camps de concentration et dont la photo la montrant, nue, dans la baignoire d’Hitler à Berlin est devenue légendaire.

« Lee a vécu plusieurs vies et notre plus grand défi était de savoir quelle période décisive de son parcours mettre en avant », explique Kate Winslet dans le dossier de presse, soucieuse d’« éviter le piège du biopic » pour un personnage aussi complexe.

Premier long métrage de la directrice de la photographie expérimentée Ellen Kuras (« Eternal Sunshine of A Spotless Mind »), « Lee » se déroule d’abord dans l’atmosphère bourgeoise et bohème insouciante de la Côte d’Azur en 1938.

Autour de Lee Miller, l’ancienne petite amie de Man Ray devenue photographe de mode, l’amour est gratuit, l’alcool abonde et personne ne daigne voir que l’Europe est au bord du précipice. Sa petite troupe comprend le poète Paul Éluard, sa femme Nusch (Noémie Merlant) et la rédactrice de mode Solange d’Aye (Marion Cotillard).

Lee Miller rencontre ensuite le collectionneur d’art Roland Penrose (Alexander Skarsgår), déménage avec lui à Londres et se bat pour aller en France en 1944 pour documenter – un appareil photo Rolleiflex en bandoulière – l’horreur de la guerre.

Les obstacles pour une femme sont légion et Lee Miller, qui travaille pour l’édition britannique de Vogue, doit braver les interdits. “Elle était en colère parce que les femmes n’étaient pas officiellement autorisées à se rendre dans les zones de combat”, se souvenait fin mai à l’AFP son fils unique, Antony Penrose.

– “Crois-le” –

Avec son collègue et ami du magazine Life David Scherman (incarné à contre-emploi par le comédien américain David Samberg), Lee Miller frôle la mort, photographie les mutilés de guerre, les premières purges en France et gagne le front de l’Est, dans une Allemagne qui vient d’être vaincue.

La reporter photographie les familles de nazis suicidés et, surtout, pénètre dans les camps de concentration de Dachau et de Buchenwald, où elle découvre des convois remplis de cadavres et de survivants émaciés.

« Au lieu de prendre des photos de loin, Lee n’a pas hésité à monter à bord du train rempli de cadavres », souligne Winslet.

La caméra d’Ellen Kuras ne s’arrête pas à la porte des camps. Le film montre des déportés en uniformes rayés et reconstitue l’intérieur des camps nazis, un choix frontal et risqué qui contraste par exemple avec l’approche plus oblique du récent “Zone of Interest”, Grand Prix du Jury à Cannes en 2023.

De retour à Londres, Lee Miller, marquée dans sa chair, a voulu montrer ces atrocités au monde mais le Vogue britannique a refusé. C’est l’édition américaine du magazine qui a publié son reportage photo sous le titre « Believe it ».

« Les gens n’y croyaient pas. C’est fou comme on a passé du temps à dissimuler des pans entiers de l’Holocauste. Il y avait une réelle volonté de dissimuler les faits, mais Lee a catégoriquement refusé. Cela l’a ruinée, totalement », souligne Kate Winslet.

Pour incarner cette femme libre, torturée et obstinée, l’actrice britannique de 48 ans ne recule devant rien : elle se met à nu sans cacher ses rondeurs et assume cernes et rides pour traduire l’épuisement physique et psychologique de son double de cinéma.

La star de « Titanic », « The Reader » et « Revolutionary Weddings » va même jusqu’à se maquiller pour incarner une Lee Miller vieillissante, accro à l’alcool et aux médicaments, qui dénoue à contrecœur le fil de son existence devant un intrigant journaliste.

« Elle était animée par la compassion et je pense que cela l’a consumée », a déclaré son fils. « Il n’y avait plus rien pour la faire avancer et elle n’arrivait pas à se sortir de la tête tout ce qu’elle avait vu. »

jt-all/mch/abl

Anna

À chaque coup de stylo, créez des histoires captivantes. Découvrez des vérités cachées à la fois. 📝 🔍

Recent Posts

Mondes routiers | Julian Alaphilippe abandonne après une chute, déjà un gros coup dur pour les Bleus – Eurosport FR

Mondes routiers | Julian Alaphilippe abandonne après une chute, déjà un gros coup dur pour les BleusEurosport FRDIRECT. Mondiaux de…

30 secondes ago

deuil et colère dans la tribu Saint-Louis après la mort de deux Kanak

Les habitants de la tribu Saint-Louis, non loin de Nouméa, ont organisé samedi les obsèques de deux Kanak tués lors…

1 minute ago

Julian Alaphilippe abandonne le championnat du monde sur route après une chute

Julian Alaphilippe a été évacué en ambulance après sa chute lors des Championnats du monde, disputés à Zurich (Suisse), ce…

6 minutes ago

L’envolée de luxe de Louis Vuitton

FOr, il fallait que cela arrive : alors que nous sommes le numéro un mondial du luxe, avec un chiffre…

10 minutes ago

Benoît Saint Denis piégé lors de l’UFC Paris 3

Cela pourrait être la définition de « se faire découper ». Benoît Saint Denis (28 ans, 1,80 m, 70 kg,…

11 minutes ago

Le romancier Nathan Hill : « Je ne veux pas vivre dans une bulle idéologique »

Les cookies et technologies similaires que nous utilisons sur Mediapart sont de différents types et nous permettent de poursuivre différentes…

12 minutes ago