Il s’agit d’une rencontre récente entre d’importants financiers américains et l’un de leurs contacts à Paris. « Mais alors, que se passe-t-il en Europe ? Pourquoi ne faites-vous rien pour votre croissance ? » Ils ont décidé de ne plus mettre un centime sur le Vieux Continent. Ils constatent, incrédules, l’apparente impuissance des pouvoirs publics face à la stagnation économique de la zone euro.
La croissance européenne est en retrait par rapport aux États-Unis depuis la crise financière de 2008, mais l’écart s’est encore creusé après la pandémie de Covid-19. Depuis le quatrième trimestre 2019, la croissance américaine est de 9,4 %, soit plus du double des 4 % de la zone euro − et de 3,8 % en France. Les facteurs explicatifs sont multiples : le choc énergétique a été plus fort en Europe en raison de la proximité géographique de la guerre en Ukraine ; les États-Unis sont exportateurs nets d’hydrocarbures ; les dépenses budgétaires sont plus faibles en Europe, tandis que la Maison Blanche a accordé d’énormes crédits pour tenter de réindustrialiser le pays… Mais une autre raison, de plus en plus souvent mise en avant, est l’action de la Banque centrale européenne.
Cette dernière se réunit cette semaine et pourrait annoncer, jeudi 12 septembre, une baisse de ses taux d’intérêt, de 3,75% à 3,5%. Il s’agirait de la deuxième baisse, après une première baisse de 4% à 3,75% en juin. Mais n’est-ce pas trop peu et trop tard, alors que la croissance européenne est atone et semble avoir encore ralenti au troisième trimestre ?
Des causes très différentes
« La BCE n’a pas réussi son coup, contrairement à la Fed (Réserve fédérale, la banque centrale américaine) »« Nous avons besoin d’une réponse plus ferme de la part de l’institution monétaire », explique Mabrouk Chetouane, directeur de la stratégie des marchés internationaux de Natixis IM, société de gestion d’actifs. Il souhaiterait une action beaucoup plus vigoureuse de la part de l’institution monétaire : « Nous devons agir plus vite et plus fort, en annonçant un tunnel de baisses de taux. » Le même argument vaut pour Nicolas Goetzmann, responsable des études économiques chez Financière de la Cité, société de gestion. « La BCE a fait une erreur : pour réduire l’inflation, elle a cherché à ralentir la demande intérieure, alors que là n’était pas le problème. »
Pour comprendre ces attaques contre l’institution de Francfort, il faut remonter à la fin de la pandémie, fin 2021. Le grand retour de l’inflation a pris de court toutes les banques centrales, sans exception. Aux États-Unis comme en Europe, les causes semblaient les mêmes : perturbation des chaînes d’approvisionnement (pénuries de microprocesseurs, de matières premières, transport maritime débordé…) et envolée du prix du gaz lorsque Vladimir Poutine a coupé les approvisionnements de l’Europe. Les chiffres étaient en effet similaires : dans la zone euro, le pic d’inflation a été de 10,6 % en octobre 2022 ; aux États-Unis, il a été de 9,1 % en juillet 2022. Depuis, les deux courbes sont en baisse, et l’inflation est revenue respectivement à 2,2 % et 2,9 %.
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