LL’huile de caméline a un léger goût d’asperge. Mais il a aussi une forte odeur d’argent. En tout cas pour ceux qui souhaiteraient en faire un nouvel usage. Plutôt que d’en verser quelques gouttes sur le dos d’un turbot cuit, pourquoi ne pas en verser des litres dans un turboréacteur ? C’est le pari du groupe Avril, qui voudrait ouvrir les vannes de cette culture, pour motoriser les moteurs d’avions. Un agrocarburant pour le transport aérien en quête de verdissement. La caméline, cousine du colza, veut prendre son envol.
Nous devons encore obtenir le feu vert de Bruxelles. Le groupe Avril, bras armé de la filière oléagineuse en France, dont le président n’est autre qu’Arnaud Rousseau, également à la tête du syndicat agricole FNSEA, est aux commandes. L’enjeu : faire glisser cette plante oléagineuse comme culture intermédiaire à la place des couvertures végétales actuellement installées entre deux productions pour protéger les sols. Le groupe Avril affirme que, sous sa pression, son dossier sur l’huile de caméline avance bien, au sein de la machine bruxelloise.
Comme le colza, dont le tapis fleuri s’étend actuellement sur près de 1,34 million d’hectares dans les campagnes françaises, la caméline joue la carte de la fleur jaune. Mais il offre l’avantage d’avoir un cycle court, trois à quatre mois contre dix à onze pour le colza. La cameline met le turbo. Cependant, c’est une culture délicate. Pauline Charlin-Hallouin en a fait l’expérience lorsqu’elle s’est installée à Danzé (Loir-et-Cher) en 2018 avec son mari pour produire des huiles alimentaires.
« La première année, les insectes se régalaient de la caméline. Comme nous ne voulions pas résoudre le problème des insecticides, l’année suivante nous avons planté la caméline avec la lentille, qui agit comme un répulsif., elle dit. Un combo gagnant pour l’agricultrice, qui vante les vertus de sa première huile de cameline pressée à froid, déjà posée, d’ailleurs, sur une table étoilée. Dans ses yeux, il apparaît « frustrant de produire de la caméline pour faire du biocarburant ». Il est vrai qu’une bouteille d’huile de caméline est vendue 15 euros, soit trois fois plus cher que l’huile de colza.
Le prix du colza, de son côté, a subi une forte baisse, après la flambée de 2022, provoquée par le déclenchement de la guerre en Ukraine. Au plus fort de la spéculation, les oléagineux ont pulvérisé leur record historique, à 840 euros la tonne. “Depuis cinq à six mois, la tonne de colza évolue dans un tunnel de prix compris entre 410 et 450 euros”, précise Arthur Portier, consultant chez Argus Media, qui ajoute : « Le marché est fondamentalement bloqué. »
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