TuUn récit se met en place : avec une inflation repassée sous les 2%, la parenthèse inflationniste déclenchée après la levée des confinements provoqués par la crise sanitaire se refermerait. Et ce grâce à l’action clairvoyante des banques centrales qui auraient permis un “atterrissage en douceur” en relevant leurs taux directeurs.
Outre le fait qu’il s’agirait d’une longue intermède (environ trois ans), l’indicateur officiel de l’inflation subie par les ménages (l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), utilisé au niveau européen) est toujours supérieur à 2%.
En revanche, c’est l’indice des prix à la consommation (IPC) utilisé en France, qui sous-estime l’inflation depuis trois ans, qui a augmenté de 1,8% (sur un an) en août. Rappelons que l’IPCH est un indicateur plus pertinent puisque, contrairement à l’IPC, il inclut tous les produits payés par les ménages et exclut ce qui est payé par les administrations publiques.
Une raison structurelle plutôt que des déclencheurs
L’inflation récente n’est pas due à une « surchauffe » de l’économie alimentée par une demande excédentaire qui aurait dû être « refroidie » par des taux d’intérêt plus élevés. Elle est due à un choc d’offre négatif (hausse des prix de l’énergie, perturbations de la chaîne d’approvisionnement liées au Covid). Elle a persisté en raison de problèmes structurels bien plus profonds que ces déclencheurs.
Les économies capitalistes sont de plus en plus dysfonctionnelles. Cela se manifeste par un nouveau ralentissement des gains de productivité, voire par une baisse de la productivité du travail dans certains pays comme la France. Cette baisse aurait dû faire chuter le taux de marge (la part des profits dans la valeur ajoutée) des entreprises.
Dans un tel contexte, c’est la capacité des entreprises, notamment des plus grands groupes, à imposer une hausse des prix pour maintenir leur taux de marge qui explique cette persistance de l’inflation. Dans certains secteurs, comme l’énergie, le raffinage, l’agroalimentaire ou le transport maritime, le taux de marge s’est envolé : on peut alors parler de véritables « profiteurs de crise » qui alimentent l’inflation avec leurs profits exorbitants.
Protection des revenus du capital au détriment des revenus du travail
Quelques chiffres l’illustrent pour l’industrie agroalimentaire. Depuis 2017, la productivité horaire a chuté de 11 %, les salaires réels ont baissé de 6 % et les profits ont augmenté de 18 %. Résultat : les prix ont augmenté de 30 % et la consommation alimentaire a chuté de 9 % en volume. Ce qui est en jeu ici, c’est la répartition des revenus dans l’économie entre la rémunération du capital et celle du travail.
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