La communication d’Emmanuel Macron est « une forme de suicide politique », juge Philippe Moreau Chevrolet

Il ambitionne d’être omniprésent jusqu’aux élections législatives du 30 juin et du 7 juillet. Emmanuel Macron veut assumer le rôle de chef de campagne de la majorité présidentielle après la dissolution dimanche de l’Assemblée nationale suite à la victoire du Rassemblement national (RN) aux élections législatives. Élections européennes. Il pourrait même intervenir trois fois par semaine, comme l’écrit l’Express. Cela devait commencer par une conférence de presse prévue mardi avant d’être reportée à 11 heures demain. «Il a reporté sa conférence de presse pour laisser la parole à Éric Ciotti», juge Philippe Moreau-Chevrolet, consultant en communications. Le président du parti Les Républicains (LR) a déclaré au JT de 13 heures sur TF1 vouloir « une alliance » avec le RN.

Saturation de l’espace médiatique

Si le chef de l’Etat voulait peut-être avoir le temps de prendre connaissance de ce que devait annoncer le député des Alpes-Maritimes, Philippe Moreau-Chevrolet estime que cette alliance « laisse la majorité éliminée » : « Éric Ciotti a montré qu’il y avait n’est plus un front républicain et qu’Emmanuel Macron ne gagnerait plus par défaut face au RN. La conférence de presse du président de la République devra expliquer « la direction qu’il estime bonne pour la nation », selon des proches de l’Elysée cités par l’Agence France Presse.

En attendant, Emmanuel Macron s’exprime aujourd’hui dans une interview accordée au Figaro Magazine, au lendemain de sa première expression publique depuis la dissolution de l’Assemblée, lors des commémorations du 80e anniversaire du massacre d’Oradour-sur-Glane. Dans cet entretien, il réaffirme qu’il mènera pour lui la bataille législative : « Le président doit s’engager à sa place. Il en va de l’avenir de la République, des institutions, du pays, de l’Europe. »

« Emmanuel Macron s’inscrit dans la tradition du jeune Sarkozy avec le début des interventions dans les campagnes des présidents de la République », observe Philippe Moreau-Chevrolet. Un mode de communication loin d’être nouveau selon Olivier Rouquan, politologue et chercheur associé au CERSA : « Sa stratégie de communication semble assez cohérente depuis avec la dissolution, cela crée une sorte de stupeur et plonge les organisations politiques dans l’inconnu et le désordre. Il est normal qu’il cherche alors à continuer à saturer l’espace public d’interventions afin de conserver l’avantage dynamique qu’il a pris dimanche. »

Spectre de la résignation

Quelle chance d’obtenir une majorité à l’issue de cette campagne législative éclair, la plus courte de la Ve République ? Pour le communicateur Gaspard Gantzer, ancien conseiller en relations presse de François Hollande lorsqu’il était président, « il y a un côté desperado », dans la communication d’Emmanuel Macron : « Sa personnalité tendue et en faisant ça, il menace la réélection de son camp. » Philippe Moreau-Chevrolet va plus loin : « C’est une forme de suicide politique. Je trouve surprenant de le voir parler partout car à chaque fois qu’il intervient, cela renforce le RN et il risque d’être directement associé à une défaite électorale majeure qui pose. la question de sa démission « .

Dans son entretien au Figaro Magazine, le chef de l’Etat a déjà écarté cette hypothèse : « Les institutions sont claires, la place du président, quel que soit le résultat, l’est aussi. C’est un intangible pour moi. » « Après avoir lui-même fait campagne tous les jours, comment pourrait-il rester s’il se retrouvait avec 50 députés ? », interroge tout de même Gaspard Gantzer. Pourtant, d’autres présidents de la République avant lui ont su rester en fonction tout en se montrant plus discrets comme Jacques Chirac après le référendum perdu de 2005. « On peut avoir un président en fonction même s’il n’a plus de leadership », rappelle Olivier Rouquan, car « sur le plan constitutionnel, c’est irresponsable ».

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« Frankenstein politique »

En tout cas, Emmanuel Macron a lancé seul cette offensive de communication puisque Gabriel Attal ne s’est pas exprimé publiquement depuis la défaite de dimanche. Il devrait briser ce silence ce soir au JT de 20 heures de TF1. Le Premier ministre s’est encore adressé ce mardi au groupe des députés de la Renaissance et plusieurs d’entre eux l’ont appelé à s’impliquer en première ligne pour les élections législatives. « Ça ne doit pas être quelqu’un d’autre, ça veut dire très clairement pas (Emmanuel) Macron », a déclaré un cadre du groupe à l’Agence France Presse. « Il ne peut pas rester seul, la macronie doit venir en aide au président » si elle espère gagner, ajoute Philippe Moreau-Chevrolet.

Le risque identifié par le communicant en cas de lourde défaite du camp présidentiel est un affaiblissement des institutions. «Le fait qu’il s’engage dans la campagne prive le système d’un élément de stabilité. Ce n’est pas d’un chef de parti dont le pays a besoin mais d’un président de la République au-dessus de la mêlée», soutient Philippe Moreau-Chevrolet.

Là où Gaspard Gantzer voit un « fiasco » dans la stratégie de dissolution de l’Assemblée nationale du chef de l’État, Philippe Moreau-Chevrolet estime qu’Emmanuel Macron a « créé un Frankenstein politique qui lui échappe ». Il entend par là un « re configuration avec une fracture autour d’une gauche et d’une droite dure avec la France Insoumise et le RN. Alors que l’accord des circonscriptions reste à finaliser pour le « front populaire » ce que la gauche veut créer, Olivier Rouquan se veut prudent. Le politologue attendra de voir les résultats des élections législatives du 30 juin et du 7 juillet avant de tirer des conclusions pour Emmanuel Macron et la majorité présidentielle : « Le sens de cette dissolution est de réorganiser la vie politique autour du clivage souverainiste populiste versus progressiste. Si cette bipolarisation ne s’installe pas, alors on peut dire que sa dissolution n’a pas donné le résultat escompté.»