La dissolution de l’Assemblée nationale devrait vous inquiéter pour ces trois raisons

POLITIQUE – Les fans de poker connaissent cette situation quelque peu alarmante. Acculé par des cartes faibles et un flop désastreux, le joueur voit ses espoirs de victoire dangereusement réduits après un tour malheureux. Sa stratégie pour survivre ? Faites tapis, en espérant que la river battra tous les obstacles. Voilà comment pourrait se résumer la dissolution de l’Assemblée nationale prononcée dimanche 9 juin, au lendemain de la claque électorale qui a porté l’extrême droite à près de 40 %.

Macron dissout l’Assemblée : 3 questions sur des élections législatives aussi imminentes qu’imprévues

Car en convoquant des élections législatives anticipées les 30 juin et 7 juillet, le chef de l’Etat prend le risque de sauter dans l’inconnu, puisque c’est le Rassemblement national qui est le favori pour s’installer à Matignon et former un gouvernement. Ou l’installation de l’extrême droite au pouvoir, dans un contexte où elle conquiert d’autres capitales en Europe, comme l’Italie de Giorgia Meloni.

Voici trois raisons qui rendent inquiétante cette perspective, issue d’une dissolution.

1. L’extrême droite propulsée

Considérons d’abord deux faits. Ce dimanche 9 juin, quatre électeurs sur dix ont choisi l’extrême droite. Autre chiffre : en un an, Jordan Bardella est devenu la deuxième personnalité politique préférée des Français, derrière l’ancien Premier ministre Édouard Philippe. Des données qui montrent que les dernières semaines ont contribué à légitimer le parti lepéniste, et que cette dynamique pourrait très bien se reproduire lors des prochaines élections législatives.

Faisons maintenant quelques suppositions. Si le RN obtient la majorité le 7 juillet, le président du RN sera nommé à Matignon, et devra donc former un gouvernement. Santé, Économie, Finances, Intérieur… Tous ces ministères passeront sous le contrôle d’un parti inexpérimenté dont l’accession au pouvoir constituerait une rupture dans l’histoire du pays.

Sur les réseaux sociaux, on voit émerger une théorie (enfumée). Pour contrer l’extrême droite, Emmanuel Macron aurait pris le pari de proposer aux Français d’aller au bout du processus. Avec un double objectif : dire aux électeurs qu’ils sont désormais libres de confirmer et de mettre (vraiment) le RN au pouvoir. Espérant démontrer l’incompétence du parti à la flamme car il considère que ses propositions populistes vont se heurter aux réalités du pouvoir ; disqualifiant ainsi Marine Le Pen pour 2027.

Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Et c’est l’incapacité de la Macronie à endiguer la montée du vote RN qui en témoigne. Depuis sept ans, Emmanuel Macron et les siens affirment que la condamnation morale ne sert à rien, que l’incapacité du parti lepéniste à gouverner doit être ciblée en priorité. Un échec cuisant, confirmé par la loi sur l’immigration, dont les positions les plus dures ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Le camp présidentiel a ainsi estimé qu’il s’agissait d’une démonstration de la négligence du principe de priorité nationale. Au contraire, elle a donné matière à réflexion au RN, qui réclamait depuis longtemps une révision de la Constitution pour l’instaurer. Il en serait de même pour deux années de Bardella au pouvoir. Même en cas d’échec, il sera facile d’expliquer qu’il a été impossible de mettre en œuvre son projet dans le cadre de la cohabitation. Marine Le Pen se frotte les mains.

2. La Macronie démunie

Rappelons-le : baisser le vote RN, c’était le serment d’Emmanuel Macron au soir de sa victoire en 2017. Non seulement cela n’a pas fonctionné, mais c’est le contraire qui s’est produit. La raison ? L’incapacité du camp présidentiel à se positionner face à cet adversaire. Tiraillée entre la volonté de ne pas froisser ses électeurs, tout en se réclamant d’un camp progressiste hostile au RN, la Macronie a souvent envoyé des signaux contradictoires, légitimant parfois le parti de Marine Le Pen.

Comme lorsque les troupes présidentielles ont accepté d’accorder des postes à responsabilités à l’Assemblée nationale ou lorsque la porte-parole du groupe Renaissance, Maud Bregeon, a assumé un lien entre immigration et délinquance, contrairement à ce qu’affirmait sa tête de liste. Résultat : personne ne sait vraiment parmi les macronistes quelle est la bonne réponse. A ce sujet, les images tournées par TF1 au QG de Valérie Hayer quelques minutes avant l’annonce sont éloquentes. Nous voyons une série de militants de la Renaissance rejeter en bloc le scénario d’une dissolution. ” S’il se dissout, ce sera un désastre », anticipe l’un d’eux.

Preuve que les troupes macronistes ne savent plus vers qui se tourner. Empêtré dans son incapacité à retracer le périmètre du « champ républicain », incluant parfois La France insoumise, et parfois non (qui diabolisait LFI et diabolisait le RN), le camp présidentiel dispose de peu d’armes pour contrer la progression du parti présidé par Jordan Bardella. On voit bien le risque de cette situation à trois semaines des élections législatives anticipées et deux jours après une crise agricole.

3. La gauche divisée

Cinq. C’est le nombre de jours qu’il reste à la gauche pour s’unir. Selon les résultats définitifs, le total de toutes les forces de gauche a atteint 31,6% des suffrages exprimés. Sur le papier, on se dit que c’est dans cet espace que se situe la barrière à l’extrême droite. Sauf qu’à ce stade, rien ne dit que toutes les composantes pourront se mettre d’accord. Car si les insoumis, les socialistes, les écologistes et les communistes ont décidé de se rencontrer, la perspective d’une alliance électorale apparaît fragile.

En cause, la volonté des insoumis de rejouer le match du NUPES, perçu par les autres forces comme un alignement forcé derrière Jean-Luc Mélenchon, dont les orientations et les méthodes ont contribué à l’explosion de la coalition de gauche à l’automne. Par ailleurs, Raphaël Glucksmann, arrivé en tête du match de la gauche, a déjà appelé à une alliance entre le Parti socialiste et les écologistes, mais sans les insoumis.

Il faut dire que, lors de la campagne européenne, le fondateur de Place Publique a été littéralement bombardé par LFI. Pas facile, après tout, de recoller les morceaux après tant d’animosité exprimée (très) haut, si tant est qu’il soit possible de rassembler tout ce petit monde derrière une bannière commune après les divisions exposées au grand jour au sujet de la situation à Gaza. Autant de difficultés qui, pour l’instant, laissent peu d’espoir sur la capacité de la gauche à empêcher une victoire du RN en juillet. Avec, comme on l’a vu plus haut, toutes les répercussions que ce séisme électoral engendrerait, immédiatement, comme en 2027.

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Anna

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