LLa construction du budget 2025 Ă©tait dĂ©jĂ un vĂ©ritable casse-tĂȘte dans l’attente d’un nouveau gouvernement. Elle tourne au psychodrame… En cause : la question de la fiscalitĂ©. Depuis que le Premier ministre Michel Barnier a dĂ©clarĂ© qu’il n’excluait pas « plus de justice fiscale », sous-entendant qu’il pourrait y avoir des hausses d’impĂŽts, c’est un Ă©moi gĂ©nĂ©ral chez les macronistes qui veulent dĂ©fendre Ă tout prix la ligne Ă©conomique de l’exĂ©cutif sortant… Pour GĂ©rald Darmanin, le ministre de l’IntĂ©rieur dĂ©missionnaire, « il n’est pas question que nous (les macronistes) puissions entrer dans un gouvernement, que nous puissions soutenir Ă l’AssemblĂ©e nationale (…) un gouvernement qui augmente les impĂŽts ».
Les partisans du « zĂ©ro hausse dâimpĂŽts » ont de bons arguments en leur faveur. MalgrĂ© les 55 milliards dâeuros de baisse dâimpĂŽts sur les mĂ©nages et les entreprises consentis par le gouvernement Macron depuis 2017 (impĂŽts de production, taxe dâhabitationâŠ), la France reste lâun des pays oĂč la pression fiscale est la plus Ă©levĂ©e. Le taux de prĂ©lĂšvement obligatoire est en effet passĂ© de 45,3 % du PIB en 2017 Ă 43,2 %, ce qui reste supĂ©rieur Ă la moyenne de la zone euro (41,7 % du PIB) ou des pays de lâOCDE (34 %). En rĂ©duisant cette pression fiscale, le gouvernement a voulu relancer lâactivitĂ© et amĂ©liorer notre attractivitĂ©.
Une « situation budgétaire trÚs grave »
Mais les macronistes ont aussi la mĂ©moire courte… Au dĂ©but du second quinquennat d’Emmanuel Macron, les Ă©conomistes tiraient dĂ©jĂ la sonnette d’alarme. Leur message ? Si des efforts n’Ă©taient pas faits immĂ©diatement pour rĂ©duire les dĂ©ficits, il faudrait inĂ©vitablement augmenter les impĂŽts dans les annĂ©es Ă venir, car la situation devenait trop critique pour s’appuyer uniquement sur le levier de la rĂ©duction des dĂ©penses…
Des avertissements qui sont tombĂ©s dans les oreilles d’un gouvernement quelque peu sourd, convaincu qu’il suffisait de relancer la croissance pour remplir les caisses de l’Etat. « L’erreur du gouvernement Macron a Ă©tĂ© de ne pas avoir alignĂ© avec les baisses d’impĂŽts suffisamment les baisses de dĂ©penses », souligne un ancien membre du Haut Conseil des finances publiques.
Avons-nous atteint le point de bascule oĂč nous n’avons plus le choix ? C’est en tout cas le discours tenu par Michel Barnier, arguant qu’il a hĂ©ritĂ© d’une « situation budgĂ©taire trĂšs grave ». Selon le TrĂ©sor, le dĂ©rapage budgĂ©taire pourrait en effet atteindre 5,6 % cette annĂ©e. Nous sommes Ă nouveau dans le viseur de Bruxelles, qui a placĂ© la France en procĂ©dure de dĂ©ficit excessif, et les agences de notation nous surveillent comme un faucon…
Le tabou des impĂŽts
Le Premier ministre n’est pas le seul Ă vouloir remettre le sujet de la fiscalitĂ© sur la table. En juillet dernier, l’Ă©conomiste Philippe Aghion, qui avait inspirĂ© le programme d’Emmanuel Macron en 2017, dĂ©clarait dans nos colonnes qu’il ne fallait plus “faire de la non-augmentation des impĂŽts un tabou absolu”. Fin aoĂ»t, c’Ă©tait au tour du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, d’appeler Ă “dĂ©passer le tabou sur les recettes fiscales, sans toucher si possible aux PME et aux classes moyennes”.
Evidemment, Michel Barnier n’imagine pas porter un coup budgĂ©taire majeur au pays en augmentant massivement les impĂŽts. Le risque de basculer dans la rĂ©cession serait trop grand. Et celui de rĂ©veiller la colĂšre des Français qui ont clairement fait savoir leur « ras-le-bol fiscal ». Le Premier ministre s’est empressĂ© de dĂ©clarer que les classes moyennes ne seraient pas touchĂ©es. On murmure en coulisses qu’on pourrait mettre Ă contribution, temporairement, les plus riches et les plus grandes entreprises et rĂ©duire certaines niches fiscales… ce qui n’apportera finalement pas grand-chose, et en tout cas ne rĂ©soudra pas le problĂšme des dĂ©ficits.
C’est toute l’ambiguĂŻtĂ© de l’arme budgĂ©taire, qui n’est pas une arme magique contre les dĂ©ficits. UtilisĂ©e comme une frappe chirurgicale, elle n’a pas d’effet rĂ©cessif significatif, mais elle n’apporte que des miettes. BombardĂ©e Ă grande Ă©chelle, elle en rapporte thĂ©oriquement davantage, mais peut ralentir l’Ă©conomie jusqu’Ă … rĂ©duire les recettes. Les pays qui ont mis en place une cure d’austĂ©ritĂ© drastique suite Ă la crise des dettes souveraines s’en souviennent encore.
François Hollande avait lui aussi fait marche arriĂšre aprĂšs ses hausses d’impĂŽts massives du dĂ©but du quinquennat pour donner un peu d’oxygĂšne Ă l’Ă©conomie. En tout Ă©tat de cause, cela ne dispensera pas le pays de commencer Ă rĂ©flĂ©chir Ă la question fondamentale : comment construire une trajectoire budgĂ©taire plus soutenable pour l’avenir ? Une premiĂšre rĂ©ponse devrait ĂȘtre apportĂ©e dans les prochains jours par le nouveau gouvernement…